Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
DIDEROT.


vient pas ». Elle ne répond pas à la question, mais point de doute sur la solution qui lui paraît logique et légitime. Et, au fait, tels qu’elle les décrit dans un réquisitoire visiblement établi sur une minutieuse enquête et tels qu’ils n’ont été que trop souvent, les couvents d’avant la Révolution n’appelaient pas seulement le feu des hommes, mais celui du ciel. « Il n’y a de bonne religieuse, dit la supérieure de Moris, que celle qui apporte dans le cloître quelque grande faute à expier. » Mais combien sont-elles qu’un grand remords ou qu’une grande douleur a vouées vraiment, par le sacrifice de tout ce qui fait la joie de la vie, à cette longue et terrible condamnation d’une mort vivante ? Et s’il n’est pas douteux que Diderot ait commis une faute à la fois contre la vérité historique et contre l’art même du roman en ne montrant pas suffisamment les sanctuaires de paix et d’oubli à côté des cloaques de fureur et d’impudicité, il est certain aussi que la sombre horreur de ces peintures ne dépasse en rien les faits qui ont été établis dans vingt procès, notamment, devant le parlement de Paris, dans l’affaire de l’abbaye de Clairvaux.

Ce qui fait, en effet, le dramatique vraiment dantesque de cet implacable récit, qu’il faut lire mais qu’on ne peut résumer, c’est qu’un cerveau d’homme eût été impuissant à imaginer les froides atrocités qu’une meute de tortionnaires en cornettes fait subir, pendant de longs mois, à la recluse dont le seul crime est de vouloir être femme. Ces punitions avi-