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croyaient eux-mêmes. Ces Docètes ont élevé la noix de très bonne heure, ce qui serait inadmissible si la Passion et la Résurrection de Jésus eussent été relatées et certifiées par d’authentiques témoins. C’est pour leur répondre que fut inséré dans le quatrième Évangile, et là seulement (xx, 24-29), l’épisode de l’incrédulité de saint Thomas, convaincu parle toucher après avoir refusé son assentiment à des témoignages. « Heureux, lui dit Jésus, ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » La leçon s’adresse aux Docètes, dont le nom ne paraît que tardivement dans les controverses, mais dont la doctrine était si ancienne que saint Jérôme la faisait remonter à l’époque des apôtres, « alors que le sang de Jésus n’était pas encore sec en Judée[1] ».

En ce qui concerne le totémisme des peuples sauvages, M. Lang demande que chaque cas allégué soit soumis à une critique sévère ; qu’on examine si les animaux épargnés, élevés, tués, pleurés, etc. sont réellement des totems, et non les animaux familiers de tel individu ou de tel groupe d’individus (nagals, manitous, nyarongs). « Nous ne pouvons pas dire que telle ou telle coutume de l’antiquité classique soit une survivance du totémisme tant que nous n’avons pas démontré l’existence de cette coutume dans une société totémique, puisque, pour avoir survécu, elle doit d’abord avoir existé… La tribu sauvage, en tant que tribu, n’a pas de totem en Australie. En Afrique, la tribu a souvent, en tant que tribu, un animal vénéré qui lui donne son nom. D’après ces analogies africaines, les Hirpini (loups) du Samnium peuvent offrir une survivance très modifiée du totémisme, et il peut en être de même de certaines gentes romaines, comme celle des Porcii ; cela est également vrai pour les nomes égyptiens. Il y a bi des présomptions légitimes de survivances totémiques ; mais cela n’est plus vrai quand on allègue l’usage de Samoa, consistant à élever des hiboux comme oiseaux d’augure. Les oiseaux d’augure de Bornéo et de Home ne semblent pas pouvoir être rattachés avec certitude au totémisme ». Plus bas, M. Lang m’approuve d’avoir révoqué en doute le caractère primitif de l’idée sauvage qui fait du totem un ancêtre ; il croit comme moi que c’est une explication naïve suggérée par l’existence de certains tabous ou par les désignations traditionnelles de certains clans.

Je ne suis pas loin d’être d’accord avec M. Lang. Il est toujours

  1. Ilieron., Adv. Lucifer., 23. Voir aussi 1 Jean, iv, 2, et II Jean, 7, où se révèle la préoccupation du docétisme.