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depuis longtemps accrédités parmi les Perses. Or, le Vendidad punit de mort le crime de jeter un cadavre dans l’eau[1]. - Si des adorateurs de Mazda, demande le fidèle à Ahura Mazda[2], rencontrent un cadavre dans l’eau courante, que feront-ils ? Ahura Mazda répond qu’il faut retirer de l’eau le cadavre, dût-on y entrer de tout le corps. Si le cadavre est déjà en décomposition, il faut retirer de l’eau tout ce que l’on en peut saisir avec les mains. Autre question : quelle partie de l’eau courante le démon (Druj) de la décomposition atteint-il de son impureté ? Réponse d’Ahura Mazda : Trois pas en aval, neuf pas en amont, six pas en travers. L’eau est impure et imbuvable tant que le cadavre n’aura pas été retiré. On retirera donc le cadavre de l’eau et on le déposera sur la terre sèche. Puis on rejettera de cette eau la moitié, ou le tiers, ou le quart, ou le cinquième, selon qu’on le peut ou non. Quand on aura retiré le cadavre et que le courant aura passé trois fois (?), l’eau sera pure et bestiaux et hommes pourront en boire comme auparavant.

Donc, d’après la loi religieuse mazdéenne, il faut retrouver et retirer le corps ; il faut aussi qu’une partie de l’eau ayant subi le contact du cadavre soit rejetée, c’est-à-dire détournée. Le travail exécuté par l’armée de Cyrus a eu pour but de retirer d’une eau profonde le cadavre du cheval sacré emporté par le courant ; comme la recherche directe du cadavre était impossible, par suite de la profondeur de l’eau, il fallut détourner le fleuve en de nombreux canaux afin de faire reparaître le corps du cheval et d’empêcher que l’eau continuât à se souiller à son contact. Cyrus n’agit donc pas, dans cette occurrence, en despote irrité, mais en pieux adorateur d’Ahura Mazda. Comme Hérodote ne savait rien de ces prescriptions du mazdéisme et que son récit, ou du moins les faits de son récit les impliquent, il en résulte que ces faits sont probablement historiques et que Cyrus obéissait déjà aux scrupules codifiés en lois dans l’Avesta.

  1. Avesta, trad. Darmesteter, t. II, p. XII.
  2. Avesta, trad. Darmesteter, p. 89 sq.