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les Perses eux-mêmes, dont Hérodote n’a pas dû, pour diverses raisons, solliciter les avis.

Grote, et d’autres après lui[1], ont trouvé assez naturel que Xerxès châtiât la mer indocile, parce que, disent-ils, Cyrus avait déjà exercé sa vengeance contre un fleuve. Mais cette prétendue vengeance de Cyrus, racontée par Hérodote et par Sénèque[2] va précisément nous éclairer sur le caractère des actes rituels de Xerxès et nous prouver qu’il s’agit de tout autre chose.

Cyrus, marchant contre Babylone, arriva, dit Hérodote, sur les bords de Gyndès. Pendant qu’il essayait de passer ce fleuve à gué, un des chevaux blancs qu’on appelle sacrés[3] sauta dans l’eau ; emporté par la violence du courant, il se noya et disparut. Cyrus, indigné de l’insulte du fleuve, le menaça de le rendre si petit et si faible que dans la suite les femmes mêmes pourraient le traverser sans se mouiller les genoux. À cet effet, il suspendit l’expédition contre Babylone et partagea son armée en deux corps qui, durant tout l’été, détournèrent les eaux du fleuve en 360 canaux, 180 sur chaque rive. « De là, dit Sénèque, une perte de temps irréparable, pour conduire, contre un fleuve, la guerre qu’on avait déclarée à l’ennemi. »

Ici encore, il y a un fait qui peut être vrai, quoique évidemment exagéré, et une explication dont il n’y a pas lieu de tenir compte. Le fait d’avoir détourné le Gyndès, après qu’un cheval sacré y eut disparu, se justifie fort bien par les préceptes du Zend-Avesta, sans qu’il soit besoin de faire intervenir l’idée puérile d’une vengeance. Assurément, nous n’avons pas lieu de croire que l’Avesta, tel que nous le possédons, fût connu de Cyrus, ni qu’il passât, dès son époque, pour le code religieux de la Perse ; mais quand même Darmesteter aurait eu raison de faire descendre très bas la rédaction de ce livre, il est évident qu’elle n’a pu que codifier des préceptes et des rites

  1. Grote, History of Greece, t. V, p. 22 ; Wecklein, op. laud., p. 257.
  2. Sénèque, De const. sap., IV, 2.
  3. Sur les chevaux sacrés des Perses, il y a aussi un texte dans la Chronique de Jean de Nikiou, éd. Zotenberg, Paris, 1897, p. 182 : « Hormisdas, fils de Chosroës... adorait les chevaux qui mangent de l’herbe. »