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leur tenir ce discours barbare et insensé : « Eau amère, ton maître t’inflige ce châtiment parce que tu l’as offensé sans raison. Le roi Xerxès te franchira, que tu le veuilles ou non. C’est à juste titre qu’aucun homme ne t’offre des sacrifices, parce que tu es une eau bourbeuse et salée. » C’est ainsi, conclut Hérodote, qu’il fit châtier la mer et il donna ordre de couper la tête à ceux qui avaient construit les ponts. »

D’après ce texte, la vengeance de Xerxès sur l’Hellespont comprend trois épisodes : la flagellation des eaux, le jet des entraves, la malédiction. Hérodote a entendu dire, mais il n’affirme pas, qu’à côté de ceux qui jetèrent des entraves dans la mer il y en eut d’autres qui la marquèrent au fer rouge. Cette double opération ne se comprendrait guère ; il est probable qu’Hérodote était en présence de deux traditions, dont l’une impliquait que les entraves de fer jetées dans le détroit avaient été préalablement chauffées au rouge. Nous verrons tout à l’heure combien ce détail est important.

Dans deux autres passages, Hérodote fait allusion à la flagellation de la mer par Xerxès. Au moment de franchir le détroit (VII, 54), le roi offre avec une coupe d’or une libation à l’Hellespont, adresse une prière au soleil et jette dans les flots la coupe avec un akinakés ou sabre persan en or. « Je ne sais, dit Hérodote, si, en jetant ces choses dans la mer, il les offrait au Soleil, ou s’il cherchait à apaiser l’Hellespont, parce qu’il se repentait de l’avoir fait fustiger. » Plus loin (VIII, 109), l’historien imagine un discours de Thémistocle aux Athéniens, où Xerxès est traité d’impie et de scélérat, « qui a brûlé les temples des dieux, renversé leurs statues, qui a fait fustiger la mer et lui a donné des fers ».

À côté des deux traditions, dont l’une orale, que rapporte Hérodote, l’Antiquité en connaissait une troisième, quelque peu différente : Xerxès aurait bien tenté d’imposer des chaînes à la mer ; mais ce sont les vents, et non les flots, qu’il aurait fait fustiger. Cette variante avait trouvé place, au témoignage de Juvénal, dans un poème de Sostratos sur la seconde guerre médique, où il était également question des flots marqués au fer rouge :

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