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LE CHEVAL SAUVAGE.

Mon cœur se remplit de joie en retrouvant ces deux héros des pampas. Je savais que j’étais avec des amis, et j’allais leur témoigner toute ma reconnaissance et mon bonheur, lorsque mes yeux s’arrêtèrent sur le groupe de chevaux. Je poussai un cri et me dressai sur mon séant. Il y avait parmi ces montures la cavale de Ruben, le grand et vigoureux rubican de Garey, et, jugez de ma joie : ma propre jument. C’était une surprise à laquelle je ne m’attendais pas, car je n’espérais plus revoir l’excellente compagne de mon aventure. Mais ce n’était pas la vue de ma jument qui m’avait arraché une exclamation de stupéfaction, c’était la présence d’un autre animal bien connu : d’un quatrième cheval. N’étais-je pas une fois de plus le jouet d’une hallucination ? Mes yeux ne se plaisaient-ils point à me tromper, mon imagination ne prenait-elle point plaisir à me bercer d’une illusion ? Non, c’était bien une réalité. Je ne pouvais en douter ; ce port superbe, cette robe soyeuse, ces oreilles noires dressées, tout en un mot trahissait le Cheval blanc de la prairie.

Mon émotion était telle qu’après avoir un instant contemplé le noble animal, je me renversai en arrière, ma tête heurta lourdement le pommeau de ma selle, et je m’évanouis de nouveau. Mais cette troisième syncope fut d’assez courte durée. Entre-temps les deux hommes s’étaient approchés de moi et s’entretenaient de mon état.

— Ruben, Garey ! dis-je faiblement en tendant la main.

— Ohé ! s’écria le plus âgé des deux, vous voilà enfin revenu à la vie, jeune homme. Il est vrai que vous revenez de loin. Enfin tant mieux. Ne vous alarmez pas ; vos forces vous reviendront. Le tout était d’en réchapper.