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LE CHEVAL SAUVAGE.

afin d’être le plus proche possible quand les antilopes viendraient de l’autre côté. Ma manœuvre fut accomplie dans le plus grand silence et avec une extrême précaution, car je savais que mon déjeuner et peut-être ma vie dépendaient du résultat de mon expérience.

Je n’eus pas longtemps à attendre pour avoir la joie de voir les jolies bêtes donner dans mon piège. Le trait caractéristique de l’antilope, c’est la curiosité qui est poussée cher ces animaux au plus haut degré. Tout en étant les plus timides des habitants de la prairie et en tremblant de tous leurs membres à l’approche d’un ennemi connu, elles semblent, chaque fois qu’elles se trouvent à proximité d’un objet qui les intrigue, avoir dépouillé toute leur crainte ; ou plutôt le sentiment de la peur est dominé par celui de la curiosité, et cédant entièrement à celle-ci, elles arrivent le plus près possible de l’objet inconnu et le considèrent d’un air ébahi. Le loup de la prairie, dont la ruse l’emporte même sur celle du renard, connaît cette faiblesse de l’antilope et la met fréquemment à profit. Il court beaucoup moins vite qu’elle et s’évertuerait en vain à la poursuivre, mais l’artifice lui tient lieu de vitesse. Quand le hasard lui fait rencontrer au troupeau d’antilopes, il se flâtre dans l’herbe, se roule en boule, et tout en tournoyant ainsi, en se livrant à une série de manœuvres bizarres, il se rapproche peu à peu de ses victimes jusqu’à ce qu’il soit assez près pour n’avoir plus qu’un dernier bond à faire.

L’éclat de la couverture ne tarda pas à produire son effet. Les cinq antilopes accoururent au trot, jusqu’au bord du lac, considérèrent un instant cet objet qui leur paraissait inconnu, puis rebroussèrent chemin. Presque aussitôt après, elles revinrent en courant, cette fois apparemment plus confiantes et exci-