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Le Cheval sauvage

de chevaux sauvages et s’emparer du plus rapide de tous sont deux choses bien différentes.

La pampa, où paissait le troupeau, avait plus d’un mille d’étendue et, comme celles que nous venions de traverser, elle était environnée de forêts. Quelques cavales broutaient paisiblement les herbes courtes ; d’autres chevaux gambadaient, s’ébattaient, se pourchassaient, se cabraient, ruaient, hennissaient, s’élançaient les uns contre les autres comme dans un combat, puis partaient au galop, livrant au vent leur crinière et leur longue queue. Nous étions encore assez loin d’eux, mais nous pouvions voir de l’endroit où nous nous trouvions très distinctement la beauté de leurs formes, la souplesse et la vigueur de leurs membres, l’éclat de leur robe brillant au soleil et trahissant l’excellence du pâturage. Il y en avait de toutes les couleurs : des bais, des alezans, des zains, des louvets, des saures, des tourdillés, des pies, des tavelés, des balzans, des vineux, des truités, des noirs jais, des gris charbonnés, mouchetés, souris, porcelaine, pommelés, ces derniers en plus grand nombre. Mais où était le magnifique étalon dont nous rêvions la conquête ? Cette question était sur toutes les lèvres, car un coup d’œil nous avait suffi à tous pour constater que le « Cheval blanc de la prairie » ne se trouvait point parmi le troupeau.

Nous échangeâmes des regards qui accusaient toute notre déception. Avait-il abandonné la horde pour promener sa course vagabonde loin de là dans l’immensité des pampas ? S’était-il, au contraire, simplement écarté du gros de la troupe avec quelques cavales, comme un roi entouré de sa cour tient ses sujets à distance, et n’avait-il fait que pénétrer dans une clairière proche de nous pour chercher un tapis de verdure moins foulé ? Notre guide nous assura que, dans ce dernier cas, il ne serait pas difficile de l’obli-