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« Quitter le fort, ma mignonne !… à peine convalescente comme vous l’êtes !… Et pourquoi cela, grand Dieu ? demanda-t-elle.

— Il le faut. Je ne dois pas être là quand ils arriveront, fit-elle en cachant sa petite figure dans les bras de mistress Saint-Aure.

— Mais c’est de la folie !… Vous ne pouvez songer sérieusement à un pareil projet, Nettie.

— Il le faut, reprit l’enfant d’un ton résolu, et, si vous m’aimez, vous m’aiderez à partir sans délai. D’une part, je ne peux avoir à subir la compassion de personne, et, de l’autre, je ne dois rien faire ni laisser faire dont Juliette puisse jamais avoir à se plaindre.

— Juliette, s’écria mistress Saint-Aure, c’est à Juliette que vous vous sacrifieriez. — Ah ! mon enfant, quelle erreur est la vôtre si vous croyez qu’elle a jamais pu penser sérieusement au sous-lieutenant Armstrong !

— Peu importe, répartit Nettie, s’il y pense encore, lui !… »

Mistress Saint-Aure se dit que Jim, en ne disant rien à Frank, avait été bien maladroit, mais elle comprit qu’il n’y avait pas à lutter contre la décision de Nettie.

« Moi qui me faisais une fête de vous garder jusqu’à la Noël et de vous ramener à New-York avec nous ? Vous voulez donc partir toute seule ? »

Nettie fit un signe affirmatif.

« Et quand cela ?

— Demain, — aujourd’hui même, si c’est possible.

— Je devrais vous refuser, ma mignonne. Mais je ne m’en crois pas le droit ; le meilleur moyen de montrer à ses amis qu’on les aime, c’est d’agir selon leurs désirs… Je vais donc, mais non sans regret, donner l’ordre de tout préparer, et demain mistress Peyton et moi nous vous accompagnerons jusqu’à la station. Il est trop tard aujourd’hui. Vous savez que c’est un voyage de sept heures. Encore faut-il que le commandant par intérim ne nous refuse pas une escorte… »

Pour toute réponse, Nettie embrassa tendrement mistress Saint-Aure, et les choses restèrent ainsi convenues.

Trois jours plus tard, quand le 12e dragons, tout couvert de poussière et de boue, suivi de ses ambulances, et traînant après lui un cortège de prisonniers indiens et de chevaux tenus en laisse, entra au fort Lookout, — Nettie Dashwood était déjà à des centaines de milles sur la ligne du Pacifique, roulant dans un wagon-salon en compagnie de deux dames auxquelles le chef de train l’avait présentée, et regardant tristement, mais avec un sentiment de fierté satisfaite, défiler devant la portière dans le crépuscule qui montait, les bois sombres et les prairies sans fin.


CHAPITRE XVIII
LE COMBAT DU PETIT-MISSOURI


L’affaire avait été chaude et rude entre la colonne du fort Lookout et les deux mille Sioux commandés par le Chef au bracelet d’or.

À peine la ligne noire des Indiens avait-elle été signalée à l’horizon sur la rive gauche du Petit-Missouri, que le colonel Saint-Aure, faisant sonner le boute-selle, avait donné l’ordre de marcher en avant et était venu disposer ses troupes en équerre sur un pli de terrain élevé de quelques mètres au-dessus de la plaine.

De leur côté, les Peaux-Rouges, observant ces mouvements, étaient montés à cheval et s’étaient élancés au galop vers l’ennemi en poussant des cris terribles.

Selon les prévisions d’Armstrong, Mac Diarmid s’était cru moralement obligé d’ac-