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les Dakotas recevront du Canada des canons, des fusils à tir rapide, des munitions copieuses. Mais, en ce moment, ils sont encore isolés, mal armés, mal organisés. Une marche immédiate pourrait, je crois, les surprendre et écraser dans l’œuf la révolte qui se prépare… »

Le colonel s’était levé et avait fait deux ou trois tours dans la tente.

« Et d’où tenez-vous ces renseignements ? reprit-il d’un ton presque affectueux en inclinant vers le jeune officier sa tête pensive.

— Je suis allé les chercher dans le camp de l’Ours-qui-se-tient-debout, fit simplement Armstrong.

— Vraiment ! Vous avez fait cela ? c’est là que votre piste vous a conduit ?… s’écria le colonel, incapable de garder plus longtemps son masque officiel, et pressant chaleureusement dans les siennes les mains du jeune homme. Racontez-moi tout, mon cher enfant… »

Et, le faisant asseoir avec lui sur sa peau de buffle, l’invitant à allumer un cigare, il écouta dans tous ses détails le récit de l’expédition. Armstrong ne lui cacha rien, excepté le nom de Mac Diarmid.

Puis les questions recommencèrent, spécialement sur la force probable des Dakotas, leur nombre, leur armement. Enfin, quand le colonel n’eut plus rien à apprendre, il se décida à congédier le sous-lieutenant.

« Maintenant, allez vous reposer, mon cher enfant, lui dit-il en lui serrant cordialement la main. Mon frère vous donnera l’hospitalité… Dormez bien, vous aurez besoin de toutes vos forces, pour compléter le service que vous venez de rendre à l’État.

Le colonel Saint-Aure, resté dans sa tente, s’était promené silencieusement de long en large pendant quelques minutes. Puis, s’asseyant devant une petite table-pliant portative, il traça rapidement quelques lignes sur une feuille de papier et fit appeler l’adjudant Peyton.

Quelques minutes plus tard, le clairon sonnait l’assemblée, et l’ordre suivant était lu par les sergents et les maréchaux des logis à la tête des compagnies :

« Demain matin, à trois heures, paquetage général pour la levée du camp. À quatre heures, le boute-selle. Le train des équipages restera en arrière. Chaque homme prendra huit jours de vivres. Ce soir, l’extinction des feux sera avancée d’une heure. »

Et, comme les officiers, cette lecture une fois faite, s’empressaient autour du commandant pour savoir les nouvelles :

« Messieurs, leur dit-il, nous allons avoir de l’ouvrage. Les Indiens sont près d’ici, et en force. En essayant d’aller leur casser les reins sans attendre la colonne du fort Laramie, il ne faut pas se dissimuler que nous allons jouer une grosse partie. Mais nous la gagnerons, pourvu que chacun fasse son devoir, comme j’y compte ! »


CHAPITRE XVII
UNE GARNISON DE DAMES


Mistress Saint-Aure était assise sur sa chaise basse, dans le cabinet de son mari, et tricotait en silence une paire de bas de laine qu’elle destinait à de pauvres Indiens récemment recueillis au fort Lookout. Auprès d’elle, Nettie Dashwood, pâle et amaigrie, avec ses cheveux blonds bouclant sur ses tempes transparentes, était à demi couchée dans un grand fauteuil à bascule.

L’automne s’avancait. Un grand feu de bois flambait dans la vaste cheminée. Au dehors, le ciel était gris et triste. Le champ de ma-