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Tous le suivirent.

À l’instant même où ils s’enfonçaient dans les ténèbres, une voix humaine se mêla à celle de l’ouragan.

« Sur la gauche !… criait la voix, — celle du Chef au bracelet d’or.

— Adieu, ami ! » répondit Armstrong.

Et les voilà partis, se dirigeant tant bien que mal vers le cours d’eau, obligés de se tenir par le bras pour lutter contre le vent, aveuglés par la pluie et la grêle, pataugeant dans des fondrières, jetés à tout instant l’un contre l’autre, mais protégés par la violence même de la tempête.

Une heure plus tard, ils avaient passé la rivière à la nage et, se guidant sur les étoiles qui avaient reparu, ils marchaient vivement vers le sud-est à travers la prairie sans bornes.


CHAPITRE XVI
AU BIVOUAC


À quelques jours de là, par une nuit étoilée mais sans lune, le commandant Saint-Aure, la face hérissée d’une barbe d’une semaine, était étendu dans sa tente sur une peau de buffle. Presque à ses pieds brûlait en plein-air un bon feu de bois sec, et, sur un tronc d’arbre auprès de ce feu, Jim Saint-Aure fumait sa pipe en tirant les oreilles de Zieten, l’un des deux grands lévriers.

De tous côtés ce n’étaient que feux pareils, autour desquels des soldats fatigués d’une longue marche s’étaient groupés selon leurs goûts, et, comme les deux frères, devisaient en fumant. Plus loin, c’étaient des lignes de tentes blanches, puis la masse sombre des chevaux attachés à leurs piquets, et celle des voitures de train.

Tout à coup on entendit dans la nuit un Qui vive ? sonore. Il y eut des va-et-vient, des questions. L’adjudant Peyton fut appelé sur la lisière du camp.

Il revint bientôt en courant et tout joyeux vers la tente du commandant.

« En voici bien d’une autre, cria-t-il. Le jeune Armstrong, en compagnie de Mark Meagher et de deux guides !… Ils sont au corps de garde, les pauvres diables, à demi nus et aux trois quarts morts de faim, arrivant de chez les Sioux !

— Armstrong ! fit le colonel se levant aussitôt. L’heureuse nouvelle que vous m’annoncez là, et comme je serai content de lui serrer la main, au pauvre garçon ! »

Mais, tout à coup, revenant au sentiment de ses devoirs officiels :

« Vous allez le mettre aux arrêts et lui interdire toutes communications, lieutenant reprit-il d’un ton froid. Commencez, bien entendu, par faire donner à lui et à ses compagnons tout ce qui peut leur manquer, ajouta-t-il, puis vous reviendrez me dire s’ils sont en état d’être interrogés. »

L’adjudant tourna sur ses talons, immédiatement suivi de Jim Saint-Aure, et il revint vers le poste où il avait laissé les fugitifs.

Le lieutenant Peyton ne goûtait pas très fort la commission dont il était chargé. Il connaissait assez son commandant, toutefois, pour savoir que c’était là pure question de forme et de discipline ; aussi mit-il à s’acquitter de son devoir toute la délicatesse possible.

« Mon cher Armstrong, dit-il à l’oreille du jeune homme, la consigne est de vous garder aux arrêts ; mais il va sans dire que si je puis vous être agréable en quoi que ce soit…

— Cela vous est très facile, répliqua Frank en riant : à dîner d’abord, voilà ce qu’il nous