Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XV
FLÈCHE-ROUGE


Flèche-Rouge tenait son rôle d’orateur comme s’il n’avait de sa vie fait autre chose.

« Hommes de la nation des Dakotas, disait-il, je suis votre ami, et c’est à ce titre que je me hasarde à vous soumettre une simple observation. Tatouka a raison quand il affirme que les blancs sont des loups. La sagesse de l’Ours-qui-se-tient-debout égale sa bravoure, et il la montre en vous conseillant de frapper sans pitié les faces pâles. Mais moi, qui suis votre hôte, je tourne les yeux vers les conséquences certaines de ces actes légitimes en eux-mêmes, et je me demande : Les Dakotas ne vont-ils pas déchaîner trop vite la colère du Chef Jaune ? Ne vaudrait-il pas mieux pour eux feindre d’écouter ses propositions et se donner ainsi le temps de se préparer à la guerre. Il sera toujours possible d’immoler vos prisonniers. La question est de choisir pour leur supplice l’heure la plus favorable. »

À ces paroles, prononcées d’une voix claire et distincte, Mac Diarmid s’était retourné.

Il put voir qu’elles produisaient une impression marquée sur l’assemblée. Le Pawnee avait évidemment touché la corde sensible des Dakotas, en faisant appel à leur prudence politique.

Le sang mêlé se reprit à espérer pour son ami et se rapprocha du Conseil, en vue d’appuyer l’observation du faux délégué.

« Le Chef aux plumes blanches parle en véritable frère, s’écria-t-il. J’ai des nouvelles sûres. Je sais que les blancs attendent avec impatience les résultats de la mission confiée au jeune guerrier blanc. Si leur envoyé est mis à mort, avant que les feuilles des arbres ne soient devenues rouges par l’effet de l’automne, le Chef Jaune sera ici, suivi de ses soldats. Ils viendront par milliers, et nous n’aurons pas eu le temps de nous entendre, de nous exercer, de recevoir les armes et les munitions que je vous ai promises !… Voilà ce qu’il faut considérer. »

L’assemblée était maintenant partagée entre des sentiments contraires. Un jeune guerrier plein de fougue bondit en criant :

« Je croyais que le Chef au bracelet d’or était un grand chef et qu’il voulait nous conduire au combat !

— Oui, répliqua Mac Diarmid sans s’émouvoir, mais surtout à la victoire ! Et la victoire doit être longuement préparée. Les Sioux sont des braves. Si la guerre éclate trop tôt, ils pourront battre les premiers blancs qui arriveront contre eux. Mais, après ceux-là, il en viendra d’autres, et les Sioux finiront par être forcés de chercher un refuge chez la Mère Blanche, — à moins qu’ils ne préfèrent aller sur un territoire réservé, pour travailler comme des squaws et jeûner comme des loups !… Voilà pourquoi je leur conseille de ne pas prendre de résolution précipitée, de s’assurer de l’alliance des tribus du Nord, et d’attendre leur heure avant de manifester la haine qu’ils portent aux visages pâles. Un grand nombre d’indiens paraissaient approuver ces paroles ; aussi l’Ours-qui-se-tient-debout, ne voulant pas heurter de front leur opinion, eut-il soin de lancer en avant un de ses aides de camp.

C’était un grand garçon mince et sec, au torse tout couvert de cicatrices. On l’appelait la Lune-Rousse, à cause de l’ardente couleur de ses cheveux, et il était célèbre au loin par sa bravoure et son habileté à dissimuler sa trace.

« Qui dit que les Dakotas peuvent reculer d’un pas ou d’une heure devant les visages pâles ? s’écria-t-il avec violence. Je voudrais