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s’était déjà formé autour de la grande tente, pour empêcher les étrangers d’en sortir. Il était clair que la résolution avait été prise de les y faire mourir de faim ou de les réduire par la famine à capituler, et pas n’était besoin pour s’en assurer de connaître la langue de la tribu.

L’aventureux correspondant du Herald, sans en savoir un mot, était sur ce point spécial aussi bien fixé que s’il eût, comme ses deux guides, longtemps vécu parmi les Indiens.

Il se promenait à grands pas dans le teepee, en cherchant, sans trop l’entrevoir, un moyen de sortir de cette absurde situation.

Charley, et son ami Beau Bill, avec la philosophie pratique qui les caractérisait à un degré si éminent, s’étaient assis à terre et avaient allumé leurs pipes.

Armstrong, resté près de la porte entr’ouverte, suivait de l’œil Mac Diarmid qu’il vit se diriger vers une hutte plus élevée que les autres, celle du sachem de la tribu, sans doute.

Une heure se passa dans cette attente.

La nuit tombait déjà quand les prisonniers remarquèrent que les Indiens s’assemblaient autour du brasier allumé sur la place et s’y formaient en cercle.

L’un après l’autre, arrivèrent alors des Peaux-Rouges que leur haute coiffure désignait comme des chefs, et qui, à en juger par leur nombre et par la diversité des insignes, devaient appartenir à des tribus distinctes.

Dans la nuit tombante, autour de ce grand feu de bois sec, ce demi-cercle d’indiens accroupis à terre et fumant leur calumet, graves et silencieux ; les jeux de la flamme sur leur peau cuivrée ; en arrière, la masse sombre de la foule ; puis, au dernier plan, la tache blanche des huttes se dressant comme des spectres sur le fond noir et bas d’un vaste nuage qui, depuis quelques heures, s’amoncelait vers le nord-ouest ; de temps à autre, un éclair jouant sur les bords de cette nuée, ou le grondement, sourd encore, d’un tonnerre lointain : tout cela constituait une scène peu ordinaire et que le correspondant dévorait des yeux.

La chaleur était accablante, quoique le soleil eût disparu à l’horizon. L’un après l’autre, on voyait les Indiens laisser tomber à terre la couverture qui leur sert de manteau, et rester à demi nus.

Tout à coup une rumeur s’éleva. Mac Diarmid pénétrait dans le demi-cercle, en compagnie du sachem..

Il semblait exagérer à dessein le caractère si naturellement altier de son attitude et de sa démarche.

Bientôt il prit la parole :

« Hommes de la nation des Sioux, dit-il d’un ton bref, il n’y a de mensonges ni dans nos cœurs ni sur nos lèvres. J’ai vécu chez les blancs, je connais leur sagesse et leur folie. C’est pourquoi je viens vous parler de ceux qui sont dans le teepee sacré. L’un d’eux est mon ami, et sa bouche ne dit pas de mensonges. Eh bien ! il est venu pour me voir et aussi pour vous apporter des paroles de paix de la part du Grand Chef Jaune. Voulez-vous l’écouter ?… »

Il y eut un silence. Les Indiens, immobiles, ne manifestaient que par des regards furieux l’aversion que leur inspiraient les étrangers à la face pâle.

Voyant que le sachem se taisait, au lieu d’appuyer sa requête comme il le lui avait presque promis, Mac Diarmid reprit :

« Le jeune guerrier blanc vient en ambassadeur au milieu des Dakotas. Ce caractère est sacré. Le jeune guerrier blanc ne s’est pas caché sous le masque d’un marchand. Il n’a pas feint de venir de la terre de la Mère Blanche. Il est arrivé en soldat, la tête haute et la main ouverte. Il est l’hôte des Dakotas. Les Dakotas doivent l’entendre… »

De nouveau, il y eut un grand silence que le sachem ne rompit pas, quoique ce fût son tour d’exprimer une opinion.

Alors l’Ours-qui-se-tient-debout se leva :

« Le Chef au bracelet d’or est notre ami, dit-il. Le sang d’un Peau-Rouge coule dans ses veines. Il est en sûreté parmi nous. Mais les blancs qui viennent de l’Orient sont tous des menteurs. Celui dont il parle avoue qu’il est envoyé par le Chef Jaune. Il est donc notre ennemi. Il est entré dans notre camp sans en avoir la permission et il doit mourir. »

Il était aisé de voir, à la physionomie de l’auditoire, que l’orateur venait d’exprimer le sentiment général.

À ce moment, un Sioux sauta sur ses pieds. « Regardez-moi ! dit-il. Je suis Tatouka. J’étais l’ami des faces pâles. Je vivais avec mes enfants sur un territoire réservé. Les blancs nous avaient dit que nous serions heureux, tranquilles et riches. Mais bientôt