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CHAPITRE XVII
ENTRE CIEL ET TERRE


Le plan du gambusino était miraculeusesement simplifié.

La découverte du puits et de la galerie était venue tout aplanir.

La descente extérieure dans le llano, réduite à cent cinquante pieds, tout au plus, n’était plus en elle-même véritablement périlleuse. Il n’y avait plus à craindre pour Henry, si rien ne venait éveiller de ce côté la vigilance des Apaches.

La nuit arrivée, comme on la désirait, ni trop sombre ni tout à fait claire, était vraiment propice à une tentative d’évasion. L’ingénieur, don Estevan, Robert Tresillian, son fils Henry, le gambusino et quelques mineurs choisis s’engagèrent dans la caverne, descendirent au fonds du puits et pénétrèrent jusqu’à l’extrémité de la galerie qui s’ouvrait sur le vide.

Bien que tout se présentât à souhait, l’émotion était grande.

Le gambusino chercha dans l’ombre les mains d’Henry Tresillian et les étreignit de toutes ses forces.

« Señor, dit-il, il en est temps encore, laissez-moi partir, la nuit est favorable, et en supposant que votre cheval ne réponde pas à ma voix, j’aurai devant moi assez d’heures nocturnes pour que, le jour venu, je sois déjà déjà hors de la vue de ces Coyoteros.

— Merci, señor Vicente, riposta le jeune homme, merci mille fois ! mais je puis seul avoir la certitude de trouver en bas mon brave Crusader. Il ne répondra qu’à moi, et quand le jour se lèvera sur le llano, je serai, grâce à lui, beaucoup plus en avant sur la route d’Arispe qu’un homme à pied, cet homme fût-il vous. »

Le gambusino vil qu’il était inutile d’insister.

L’heure de la séparation était venue. Henry se jeta dans les bras de son père, puis dans ceux de don Estevan.

Il ne voulut pas prononcer le nom de Gertrudès. À ce moment décisif, rien ne devait amollir son courage. Le salut de tous ne dépendait-il pas de son sang-froid et de son énergie ?

Une fois en bas, un coup de sifflet discret devait avertir ceux qui restaient à l’ouverture de la galerie qu’il était arrivé à bon port, et qu’il avait le sol du llano sous les pieds, deux, qu’il était en péril et qu’il fallait le rehisser au plus vite.

La descente commença.

Ce fut avec des précautions infinies que les hommes laissèrent glisser la corde ; trop doucement, à l’estime du jeune homme impatient ; trop vite, au gré de ceux qui, à l’orifice de la galerie, sentaient qu’il s’en allait dans l’inconnu, et que chaque brasse de corde déroulée le rapprochait du péril, peut-être de la mort.

Enfin, Henry Tresillian toucha terre.

Son premier soin fut de prêter l’oreille. Sous le ciel étoilé qui enveloppait cette partie du désert de la Sonora, le silence était solennel.

Henry Tresillian fit alors entendre le signal annonçant qu’il était au terme de sa descente, et il se mit à marcher droit devant lui, dans la direction du point du llano où il avait vu Crusader.

Ce qu’il lui fallait, c’était atteindre son cheval, faire savoir à l’intelligent animal qu’il était là, lui, son maître, à sa recherche dans la solitude.

Une fois sur son dos, et pour s’écarter du camp des Indiens, il ferait un circuit et disparaîtrait comme l’éclair dans la direction d’Arispe.