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jamais resté là tranquille, s’il n’avait su que le ruisseau, grossi par la pluie, n’était praticable que pour lui. »

Henry Tresillian n’avait pas bougé fie son poste. Le cœur battant, il avait assisté, plein d’émotion, à cette nouvelle victoire de son cheval. Quand il vit les Indiens désappointés reprendre piteusement la route de leur camp, un immense soupir sortit de sa poitrine.


CHAPITRE XIII
LA VIE SUR LA MONTAGNE PERDUE


Les événements que nous venons de raconter furent suivis d’une période de calme relatif pendant laquelle, des deux côtés, l’on s’observa.

Les assiégeants ne semblaient pas penser à tenter un assaut, et cependant ils ne demeuraient pas inactifs. On les voyait, du haut du plateau, aller, venir, puis disparaître pour revenir encore. On eût dit qu’ils prenaient plaisir à faire le tour de la montagne. Dans quel but ? C’est ce que les assiégés cherchaient à comprendre.

Ces sortes de patrouilles avaient lieu principalement pendant la nuit, et sans discontinuer, pour ainsi dire.

Du haut de la montagne, quand les clartés nocturnes le permettaient, don Estevan et ses compagnons suivaient de l’œil ces manœuvres silencieuses.

Les Indiens examinaient toutes les faces de la montagne avec une singulière attention.

« Si nous n’avions la certitude, dit un soir don Estevan, que notre fort est inaccessible de tous côtés, excepté par le ravin, on croirait que ces démons ne renoncent pas à nous prendre au gîte.

— Leurs manœuvres autour de la montagne ont un double but, dit le gambusino : savoir si, en dépit des apparences, ils pourraient monter, ou bien encore si nous pourrions descendre. La perspective d’un long siège les impatiente, eux aussi ; mais, laissons-les faire. Pour ma part, je ne demande, en attendant mieux, qu’une chose, c’est qu’un de ces Coyoteros de malheur passe à portée de ma carabine.

— C’est à peine probable, dit Henry Tresillian ; la mort de leur chef a été une leçon pour eux.

— Qui sait ? reprit le gambusino avec un sourire. En nous voyant si calmes, il leur arrivera bien, un jour ou l’autre, de faire les bravaches et de se rapprocher, ne fût-ce que pour nous faire mieux entendre leurs injures. C’est le moment qu’il faudra choisir pour en découdre proprement quelques-uns. Le tout est de leur laisser croire, pendant quelque temps, qu’ils peuvent compter sur l’impunité. »

Comme pour donner raison aux paroles de Pedro Vicente, deux ou trois Indiens, se détachant d’une escouade, se rapprochèrent, en ce moment même, de la montagne, au petit trot de leurs montures, puis firent halte à bonne distance. Ils n’étaient pas d’accord, sans doute, et discutaient vivement, car le bruit de leurs voix arrivait jusqu’à la plateforme.

Le gambusino, fait à tous les idiomes du désert, prêta l’oreille en faisant signe, de la main, à ses compagnons, d’observer le plus strict silence. Au bout de quelques secondes, il leur expliqua de quoi il retournait.

« Ces chiens, dit-il, tout en connaissant la Montagne-Perdue, aussi bien que votre serviteur, se demandent s’il n’existe point