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CHAPITRE XI
CRUSADER N’EST PAS PERDU


Dans les déserts du grand pays des Apaches, il y a Coyoteros et Coyoteros. Les uns sont des êtres infimes, des créatures abjectes que l’on peut classer parmi les plus basses de l’espèce humaine ; les autres, des hommes de fière mine et de haute stature, pleins de courage et de force, de vaillants guerriers indiens. La bande de El Cascabel se composait de ces derniers ; ses fréquentes incursions portaient la terreur chez les tribus civilisées et chez les Mexicains établis dans leurs parages, et ceux-là n’étaient pas hommes à reculer devant la longueur d’un siège pour assouvir leur vengeance.

Si les mineurs avaient pu croire, avant la danse funèbre, que la mort de El Cascabel changerait quelque chose aux intentions de leurs ennemis, l’attitude menaçante des Peaux-Rouges, pendant cette cérémonie infernale, dissipa tous leurs doutes à cet égard. Le siège allait continuer avec plus d’opiniâtreté que jamais, et les mineurs en eurent le jour même une preuve certaine.

Quand les Coyoteros eurent accompli leurs rites funéraires, ils réunirent tous les mulets et tous les chevaux, à l’exception de leurs mustangs, les chargèrent du butin trouvé au camp, quelque minime qu’il fût, et les attachèrent les uns aux autres de manière à en faire un troupeau facile à mener. Une troupe d’indiens à cheval et armés s’éloigna dans la direction de leur pays, en poussant devant eux cette énorme masse vivante. Les assiégeants ne conservèrent, des animaux qu’ils avaient pris, que les bêtes à cornes. Évidemment, ils craignaient d’avoir trop de bouches à nourrir, les pâturages qui entouraient le lac étant trop peu étendus pour suffire à tant de gros mangeurs, et ils n’étaient pas fâchés d’ailleurs de mettre en sûreté toute la partie de leur butin dont ils pouvaient se passer.

Aussitôt que don Estevan se crut certain de n’avoir pas à redouter d’attaque des Peaux-Rouges, il procéda à l’organisation du bivouac.

S’il s’agissait de soutenir un long siège, il fallait y pourvoir, et se mettre en mesure de lasser les assiégeants, si on ne pouvait avoir raison d’eux par la force.

Une dizaine d’hommes bien choisis suffisaient pour veiller aux « remparts ». Les autres, divisés en escouades, se mirent à l’œuvre avec ardeur. Il fallait se hâter, car le gros nuage qui voilait la lune la nuit précédente, s’était avancé et restait stationnaire au-dessus de la montagne. Des vapeurs d’un gris de fer se massaient à l’horizon, et la température accablante présageait un orage prochain.

La clairière de l’Ojo de Agua offrit bientôt un aspect des plus pittoresques. Autour des tentes dressées de la veille, s’éleva comme par enchantement une série de huttes et de baraques. Les mineurs trouvèrent sur la montagne tous les matériaux nécessaires à leurs constructions, depuis des poteaux, que les grands arbres leur fournissaient en nombre suffisant pour bâtir un village entier, jusqu’au chaume pour les couvrir, représenté par des herbes qui abondaient dans les makis.

Chacun travaillait dans la mesure de ses forces, et tandis que les mineurs, devenus maçons et charpentiers, abattaient les arbres, les équarrissaient pour en faire les charpentes de leurs maisons et enfonçaient des pieux en terre, les femmes confectionnaient, avec des branches flexibles, des claies pour les murailles, et les enfants recueillaient les longues herbes qui devaient couvrir le toit de ces habitations primitives.