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sert ? Supposez même qu’il nous soit possible de les rejoindre, ne savez-vous pas comme moi dans quel état nous les avons laissées ?

— Alors, dit Henry Tresillian, il ne nous reste donc qu’à nous défendre sur ce plateau ?

— Vous l’avez dit, senor, et c’est ce qu’il faut que l’on sache là-bas au plus tôt.

— Eh bien, défendons-nous, puisque l’attaque nous est impossible. Encore est-il qu’il sera bon de montrer à ces maudits qu’ils ne viendront pas à bout de nous aussi aisément qu’ils le pensent. »


CHAPITRE VIII
L’INVESTISSEMENT DU CAMP


Sur le plateau, don Estevan n’était pas resté inactif. L’ancien militaire, habitué aux guerres de surprises, avait pris le commandement de la troupe sans contestation, et, dans les circonstances, son autorité reconnue ne pouvait qu’exercer la plus heureuse influence.

Après avoir assigné aux femmes et aux enfants la place la moins exposée, il avait, avec beaucoup de sang-froid, réglé le service de la défense, fait charger les armes, distribuer des munitions, et constituer une sorte d’arsenal où la poudre et les balles disponibles furent enfermées à l’abri de l’humidité et du gaspillage.

En chef attentif, don Estevan commença par reconnaître la position pour être à même de juger des points faibles et de répartir les postes avec circonscription et prudence.

À son avis, le nombre relativement considérable des Indiens n’était pas immédiatement inquiétant, au point de vue d’un assaut. Quatre-vingts hommes résolus et bien armés, dans la position, par le fait inaccessible et facile à défendre, que les mineurs occupaient, n’auraient rien eu à redouter d’ennemis même plus nombreux que les Coyoteros, et la citadelle improvisée comptait, à peu près, ce nombre de défenseurs.

Ces hommes, on pourrait dire ces aventuriers, pour la plupart coutumiers du danger, sous toutes ses formes, avaient d’eux-mêmes senti le besoin de se serrer les coudes, et de s’en remettre de leur sort à la clairvoyance et à la prudence d’un seul. Ils avaient comme l’intuition de la nécessité de la discipline, en présence de ces ennemis subitement apparus, et qui semblaient d’autant plus dangereux qu’ils avaient eux-mêmes adopté les armes et la tactique des réguliers.

Aussi l’autorité de don Estevan avait-elle été acceptée comme une indiscutable nécessité.

Les mineurs ayant complètement terminé la forte barricade de pierres qui devait leur servir à la fois de parapet protecteur et de réserve de projectiles, semblaient n’avoir plus qu’à attendre patiemment les signaux du gambusino, mais la patience était difficile en pareil cas.

Les quelques secondes qui s’écoulèrent entre les deux dernières détonations furent pleines d’angoisse. Les Indiens étaient-ils décidément amis ou ennemis ? inoffensifs ou hostiles ? Il y eut un moment d’indécision. Hélas le bruit du troisième coup de feu se mourait à peine dans le lointain, quand une quatrième détonation vint mettre fin à toute incertitude. La question était tranchée.

« Malheureuse chance ! ce sont des Apaches, » dit Estevan à son associé.

Le danger était encore plus grand que ne le supposait don Estevan. Pedro devait le lui apprendre bientôt.

« Les Coyoteros ! » lui cria le gambusino,