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CHAPITRE VII
EL CASCABEL


À l’extrémité supérieure du ravin, Henry Tresillian trouva son père et don Estevan dirigeant d’importants travaux de défense. Des hommes rassemblaient les énormes blocs de pierre qui couvraient le chemin et les hissaient jusqu’aux mineurs restés sur le plateau. Pour aller plus vite, ils faisaient la chaîne. On eût dit des insurgés improvisant une barricade. Telle n’était pas leur intention cependant. Comme le disait Pedro, la Montagne-Perdue valait à elle seule les plus fortes citadelles, et eût défié toute l’artillerie du monde. Ces pierres étaient destinées à un autre usage : elles devaient servir de munitions de guerre en cas d’attaque des Peaux-Rouges.

Chacun travaillait avec tant d’ardeur qu’il y eut bientôt, au-dessus du ravin, une sorte de parapet en forme de fer à cheval. Quoi qu’il arrive, les Mexicains étaient déjà assurés de ne pas manquer de moyens de défense.

Quant au reste des mineurs, ils aidaient, avec les femmes et les enfants, dans la clairière près de l’Ojo de Agua, à placer en lieu convenable tout ce qu on avait pu apporter du camp. Quelques-uns, encore troublés, marchaient de long en large et discutaient chaleureusement sur la situation ; les autres, plus courageux ou plus calmes, mettaient de l’ordre dans le pêle-mêle de caisses et de ballots encore épars sur le sol, et attendaient paisiblement les événements.

La señora Villanneva et sa fille, entourées de leurs domestiques, formaient un groupe à part. La jeune Gertrudès tenait les yeux fixés sur l’extrémité de la clairière, et interrogeait du regard chacun des arrivants. Elle semblait inquiète. On lui avait dit qu’Henry Tresillian n’avait pas quitté le corral en même temps que ses compagnons, et elle tremblait qu il ne s’attardât et ne courût quelque péril.

Personne ne songeait encore à dresser les tentes et à s’installer ; on espérait toujours que ce ne serait qu’une fausse alerte et qu’on en serait quitte pour la peur.

Comme l’opinion du gambusino sur la nationalité des Indiens n’était, en somme, basée que sur des conjectures, don Estevan l’envoya de nouveau en observation. Cette fois, il lui confia son télescope, et on convint de signaux. Un seul coup de fusil devait signifier que les ennemis ne se dirigeaient plus vers la Montagne-Perdue ; deux, qu’ils en étaient proches ; trois, qu’il n’y avait rien à craindre de leur présence ; et quatre, que c’était au contraire une bande de bravos d’une tribu hostile marchant sur le campement. D’après cela, on pourrait croire que Pedro emportait un arsenal complet, tandis qu’en réalité il n’avait que sa carabine et deux pistolets d’un vieux modèle et d’une portée modérée ; mais Henry Tresillian, qui l’avait rejoint, voulait l’accompagner comme la première fois, et son fusil à double coup suppléerait au besoin aux armes de Pedro.

Ceci étant bien convenu, les deux envoyés s’engagèrent dans le sentier conduisant au makis. En traversant le chemin où étaient Gertrudès et sa mère, Henry s’arrêta pour échanger quelques paroles avec elles.

« Rassurez-vous, leur dit-il, nous sommes tous en sûreté ici ; nous n’avons à y redouter aucun danger sérieux. »

Puis il s’élança sur les traces du gambusino.

Gertrudès admirait naïvement les moindres prouesses de son ami. Elle trouvait qu’il avait fait preuve d’héroïsme en restant le dernier dans la plaine, et la singulière conduite de Crusader lui avait paru toute naturelle. Elle savait mieux que personne combien le jeune