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finement découpés, quoique n’ayant rien d’efféminé. Sa figure exprimait le courage et la résolution, et sa haute stature annonçait une force et une activité peu communes. Il se tenait penché sur sa selle pour causer avec les belles voyageuses, qui avaient légèrement écarté les rideaux de leur litera, et leur conversation paraissait être très animée. Le jeune homme racontait sans doute la bonne nouvelle que venait de donner leur guide, car Gertrudès l’écoutait avec ravissement, et ses yeux brillaient de plaisir.

La Montagne-Perdue était enfin signalée. La soif n’était plus à craindre, et les souffrances des mineurs allaient bientôt être terminées.

La caravane reprit courage.

« Anda ! Adelante ! » (En avant !) cria Pedro Vicente.

Les muletiers répétèrent ce cri de proche en proche jusqu’au dernier de la bande ; les chariots s’ébranlèrent et se remirent en marche avec un accompagnement continu de coups de fouet et de grincements de roues.


CHAPITRE II
LES COYOTEROS


Malheureusement pour les mineurs d’Arispe, leur caravane n’était pas la seule qui voyageât dans le désert de Sonora ce même jour, et lorsque les mineurs aperçurent au nord cette éminence que Pedro avait désignée sous le nom de la Montagne-Perdue, par une coïncidence extraordinaire, d’autres êtres humains s’avançaient aussi vers la montagne du côté opposé. Ceux-là ne la voyaient pas, cependant, parce qu’ils en étaient encore trop éloignés, et aussi parce que certaines ondulations du terrain les en empêchaient.

Cette seconde caravane ne ressemblait nullement à celle que nous venons de dépeindre à nos lecteurs. D’abord, elle était plus nombreuse, quoique, en masse et vue de loin, elle occupât bien moins de place, mais il n’y avait là ni chariots, ni mulets, ni bestiaux, ni bagages d’aucune sorte ; les nouveaux venus ne s’étaient encombrés ni de leurs femmes, ni de leurs enfants, encore bien moins d’une litera et de dames de haut rang. Leur troupe ne se composait que de cavaliers armés jusqu’aux dents et portant chacun en croupe un bissac de provisions et une gourde remplie d’eau.

Leur costume était aussi primitif et aussi peu volumineux. La plupart n’avaient pour vêtements qu’un pantalon de toile, de longues guêtres de peau de daim et des mocassins, avec un sérapé en réserve pour la nuit.

Le sérapé est tout simplement une couverture de laine.

Ceux qui faisaient exception à cette règle ne dépassaient pas une demi-douzaine. Ils semblaient avoir de l’autorité sur leurs compagnons, et l’un d’eux, plus couvert d’insignes et de décorations que les autres, devait être leur Grand Chef.

Ses emblèmes hiérarchiques eussent défié tous les livres de blason de l’univers ; ils étaient peut-être uniques au monde, et, chose bizarre, leur propriétaire, au lieu de les porter sur un bouclier, les avait gravés ou plutôt tatoués sur sa personne. Un serpent à sonnettes peint en rouge vif, la tête et la queue dressées, les mâchoires ouvertes et la langue dardée comme pour frapper un ennemi invisible, enroulait ses anneaux en longs replis tortueux sur sa poitrine nue et bronzée ; puis, dans l’intérieur du cercle qu’il décrivait, on voyait quantité d’autres symboles à la fois grotesques et effrayants. Un immonde crapaud, un tigre-panthère, plus ou moins fidè-