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Cette opération terminée en moins d’une heure, par mon procédé habituel, je pus mettre la main sur le mystérieux ballot qui se trouvait au-dessus. C’était un sac, mais un sac de quoi ? de blé, d’orge ou d’avoine ? Non, ce n’était pas du grain ; c’était quelque chose de plus mou et de plus menu. Était-ce un sac de farine ? Il était facile de s’en assurer. J’enfonçai ma lame dans le sac et me disposai à fourrer le doigt dans l’ouverture. Ce ne fut pas nécessaire ; à l’instant même, une substance pulvérulente et molle me couvrit la main ; je la refermai et la portai à mes lèvres ; je reconnus à l’instant même le goût de la farine.

Quelle heureuse découverte ! J’avais désormais des vivres pour plusieurs mois, sans être obligé de manger des rats. Avec de la farine et de l’eau, je pouvais vivre comme un prince. Il est vrai qu’elle était crue, mais elle n’était pour cela ni moins suave ni moins saine.

Je travaillais depuis longtemps et j’éprouvais le besoin de prendre du repos.

Quelques heures de bon sommeil me rafraîchirent ; dès mon réveil, après un délicieux repas fait avec ma pâte de farine, je commençai à gravir ma galerie.

En arrivant au second étage, je fus surpris de sentir sur toutes les planches une substance pulvérulente. Quand j’atteignis l’espace triangulaire voisin du piano, je trouvai la partie inférieure de cette cavité remplie de la même substance dans laquelle j’enfonçais jusqu’à la cheville. Je reconnus en même temps que j’en avais la tête et les épaules toutes couvertes. Ayant, par inadvertance, levé la tête, mes yeux et ma bouche en furent inondés au point que je me mis à éternuer et à tousser de la façon la plus violente. Je me sentis si près de suffoquer que je m’empressai de battre en retraite dans ma cabine.

Je me rendais parfaitement compte de ce qui s’était passé ; le roulis avait sans doute déplacé la toile qui obturait l’ouverture du sac, et c’est pourquoi la farine s’en échappait L’idée me vint tout à coup que toute ma provision pouvait ainsi se perdre, et que j’étais ainsi exposé à me remettre au régime des rats.

Du reste, je ne m’en inquiétai guère, car, l’instant d’après, je fis une découverte qui chassa de ma tête toutes les pensées relatives au boire et au manger.

J’avais allongé le bras, pour m’assurer si vraiment le sac était vide. Il me sembla qu’il l’était ; dès lors, je n’avais plus qu’à l’enlever pour déblayer ma route. Je l’attirai donc à l’ouverture de la caisse à chapeaux, et je le rejetai derrière moi. Levant alors la tête, je vis dans l’espace que le sac occupait tout à l’heure, la lumière, oui, la lumière !


CHAPITRE XXI
LUMIÈRE ET VIE


Oui, mes yeux virent de nouveau la lumière du jour, et je sentis naître dans mon cœur une joie indescriptible. Toute crainte m’abandonna à l’instant même. J’étais sauvé !

Puisque je voyais la lumière, j’étais donc arrivé au dernier étage de la cargaison.

Cette conjecture fut bien vite vérifiée, car, dès que je pus sortir de la caisse, j’étendis les bras tout autour de moi et je ne trouvai que le vide. Je restai quelque temps assis sur le couvercle de la boîte, n’osant faire un pas, dans la crainte de tomber dans quelque grande cavité.

Peu à peu mes yeux s’habituèrent à la lumière, et, bien que la fente laissât seulement passer quelques faibles rayons, je commençai à reconnaître la forme des objets. Je vis bientôt que l’espace vide ne s’étendait pas