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pas un ballot, mais une caisse entourée d’une substance molle, d’une espèce de natte grossière, ce qui m’avait induit en erreur.

Il redevenait donc possible de continuer ma route selon la verticale. Rien de plus facile en effet que de couper la natte et de défoncer la caisse de sapin sous-jacente. Mais, pour arriver à cette caisse, il me fallut naturellement faire d’abord sauter le couvercle de celle que j’occupais. Cette opération fut plus facile que je ne m’y attendais, en raison du vide qui se trouvait à côté. Dès qu’elle fut terminée, je coupai la natte et je l’arrachai ; alors, passant la main sur l’un des angles de la caisse qu’elle recouvrait, je sentis que les clous étaient peu nombreux et assez lâches. J’en fus fort aise : car, au lieu d’être obligé de couper une planche en travers, travail long et pénible, j’allais pouvoir la détacher en me servant de mon couteau comme d’un levier.

Tout à coup un bruit court et sec me flt tressaillir plus que ne l’aurait fait la détonation d’une arme à feu. La lame de mon couteau était brisée !


CHAPITRE XIX
J’AI CASSÉ MON COUTEAU


Elle était là, enfoncée dans les planches, tandis que le manche me restait seul à la main. En passant mon pouce sur l’extrémité de celui-ci, je constatai que la lame s’était rompue tout près du ressort, et que le tronçon n’avait pas deux lignes de longueur.

Ce coup me fut d’autant plus sensible que j’y étais moins préparé. La réaction fut cruelle. L’instant d’auparavant, j’étais plein de confiance, tout semblait me réussir, et tout à coup le malheur le plus imprévu venait anéantir toutes mes espérances.

Je restai longtemps dans l’indécision. Que faire ? Je ne pouvais continuer mon travail, puisque je n’avais plus d’outil.

La première impression passée, je repris peu à peu possession de moi-même et je commençai à réfléchir au parti que je pourrai tirer du tronçon qui me restait.

Je retirai ma lame de l’angle de la caisse où elle était restée. Elle était encore entière ; mais, hélas ! comment l’utiliser sans le manche ? J’essayai pourtant, et j’eus la satisfaction de voir que je pouvais encore m’en servir pour couper, en l’entourant d’un chiffon à la base, quoique l’opération fût lente et difficile. Il ne pouvait être question de la fixer au manche, dans l’impossibilité où j’étais de retirer le tronçon. Sans cela, le manche aurait pu me servir encore ; j’y aurais introduit ma lame, et comme je possédais de la ficelle très forte, je serais parvenu à la fixer très solidement.

Désormais le manche ne m’était pas plus utile qu’un simple morceau de bois ; que dis-je ? beaucoup moins, car avec un petit bâton je pouvais faire à ma lame une poignée qui me permettrait de m’en servir.

Cette idée rendit à mon esprit toute son activité, et je réfléchis au moyen de me procurer un nouveau manche. Je l’eus bientôt trouvé. En moins d’une heure je tenais à la main un couteau parfaitement emmanché. Cet instrument tout grossier qu’il était, me parut presque aussi efficace que l’ancien. Avec cette conviction, j’eus bientôt repris confiance et gaieté.

Voici comment je m’y étais pris : avec la lame de mon couteau, très suffisante pour un travail aussi facile, j’avais façonné un morceau de bois en forme de manche ; puis, ayant pratiqué une fente à l’un des bouts, j’y avais enfoncé ma lame. Restait à la ficeler solidement ; mais la ficelle pouvait se desserrer ou se couper, la lame sortir du manche et se perdre au milieu des colis. C’était là un accident