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s’y prendre pour résoudre cette nouvelle difficulté ? En établissant le rapport du volume au poids, et en recherchant combien chaque navire contenait de ces unités de volume. CGela revenait donc en fin de compte à mesurer les navires. Comment, cependant, opérer ce mesurage ? En prenant la longueur de la quille, celle des baus et la profondeur de la cale ; multipliant ensuite ces trois quantités, on obtient la capacité d’un navire s’il est convenablement construit.

La loi fut ainsi faite, et un observateur superficiel peut la trouver juste, peut la trouver bonne. En fait, elle ne l’est pas, car elle a englouti plus de richesses qu’il n’en faudrait pour racheter tous les esclaves qu’il y a dans le monde en ce moment. Comment cela ? direz-vous.

Non seulement en retardant le progrès des constructions navales, l’un des arts les plus importants qui existent, mais en les faisant rétrograder de plusieurs siècles. Voici, en effet, ce qui se passa : le propriétaire d’un navire, ne voyant aucun moyen d’éviter la taxe, chercha à la réduire le plus possible, car la fraude est la conséquence de toutes les taxes onéreuses. Il se rendit chez le constructeur et lui commanda un navire de telles dimensions, c’est-à-dire de tel tonnage, devant payer telle taxe correspondante ; mais ce ne fut pas tout : il lui demanda de construire son navire de manière qu’il pût contenir un chargement dépassant d’un tiers le tonnage réglementaire. C’était, comme vous voyez, le moyen de frauder le gouvernement en ne payant que les deux tiers de la taxe.

Était-il donc possible, direz-vous, de construire un navire dans ces conditions ? Certainement ; il suffisait pour cela d’augmenter la convexité des flancs et des bossoirs et d’élargir la poupe, en un mot de lui donner une forme ridicule, absolument incompatible avec la vitesse.

Le constructeur, se conformant aux vœux de l’armateur, procéda si longtemps de la sorte, qu’à la fin il crut à la perfection des constructions semblables et que, maintenant encore, il se refuse à les modifier, malgré l’abrogation de la loi. Il faudra une nouvelle génération de constructeurs avant que nous ayons des navires de forme convenable ; C’est en regardant les poissons nager et en s’inspirant de leurs formes, que les Américains sont devenus nos maîtres dans l’art de construire les vaisseaux. Tâchons de profiter de leurs leçons.

L’Inca, comme beaucoup d’autres, avait été construit sur les indications de l’armateur. Ses flancs étaient si bombés que, vus d’en bas, ils semblaient converger l’un vers l’autre en formant comme une espèce de toiture. Il en résultait que la longueur de la cale excédait de beaucoup la longueur des baus. C’était d’ailleurs la forme de tous les navires marchands qui fréquentaient notre baie.

Je vous ai dit que j’avais cru constater la présence d’une balle de toile au-dessus de la caisse ; mais j’avais remarqué qu’elle n’en recouvrait pas tout le couvercle ; il s’en fallait d’un pied environ du côté où la caisse confinait à lacharpente du navire. Comme je ne trouvais rien à cet endroit, j’en conclus qu’il y avait là un espace vide. Je compris facilement pourquoi. Le ballot touchait par en haut le flanc du navire à l’endroit où il commençait à s’incurver en dedans ; il avait donc été impossible de l’adapter à cette surface courbe. De là un vide de forme triangulaire. Je fus naturellement amené à conclure de ce fait que, si je continuais mon ascension suivant la verticale, j’allais venir, moi aussi, me heurter contre les flancs du navire qui s’incurvaient constamment en dedans jusqu’à la hauteur du pont. Pour cette raison, mais surtout pour les deux autres, je me déterminai à suivre d’abord une direction horizontale.

Ce fut l’affaire de quelques minutes ; mais j’étais si heureux de me retrouver sur les jambes, que je restai debout près d’une demi-heure.

Dès que je me sentis suffisamment reposé, je grimpai dans la caisse supérieure et me préparai à l’ouvrage.

J’étais maintenant parvenu au second plan d’arrimage de la cargaison, à plus de six pieds du fond de la cale, à trois pieds plus haut que je n’avais encore été, à trois pieds plus près du pont, des hommes et de la liberté !

Le côté de la caisse que je me proposais de démolir présentait une planche à moitié détachée déjà. Je constatai en outre que le colis voisin en était éloigné de plusieurs pouces, car c’est tout au plus si je parvenais à l’atteindre avec la pointe de mon couteau. C’était un avantage manifeste ; cela me permettait de faire sauter la planche en dehors.

Botté pour la circonstance, je me mis sur le dos et commençai à battre la retraite avec mes