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je ne parvenais pas à atteindre avec le doigt le plafond de mon nouvel appartement.

Contrairement à ce qui a lieu d’habitude, la station verticale me semblait moins fatigante que la position assise, et vous ne sauriez vous en étonner si vous songez au nombre de jours et de nuits que j’avais dû passer assis ou agenouillé. Aussi, comme j’étais heureux maintenant de pouvoir prendre cette fière attitude qui distingue l’homme du reste des êtres ! Je la conservai longtemps sans faire un mouvement.

Pendant ce temps-là, je réfléchissais profondément. Dans quelle direction allais-je continuer mon tunnel ? Devais-je traverser le couvercle de la caisse que je venais de vider, ou bien la paroi de la même caisse qui regardait l’écoutille ; en d’autres termes, devais-je avancer verticalement ou horizontalement ? Chacune de ces directions présentait des avantages et des inconvénients. Il me fallut beaucoup de temps pour peser les uns et les autres, et, finalement, prendre une détermination.


CHAPITRE XVIII
FORME DES NAVIRES


Puisque la verticale est le plus court chemin d’un point à un autre, il était clair qu’en suivant cette direction j’arriverais plus tôt au faite de la cargaison. Une fois là, si j’avais la chance de trouver un espace vide entre les colis et les poutres du pont, je pourrais ramper immédiatement vers l’écoutille. Au contraire, tout le chemin que je ferais dans la direction horizontale ne pouvait m’offrir aucun avantage, puisqu’il ne me rapprochait pas d’une ligne du pont que je désirais atteindre. Je résolus, en conséquence, de n’avancer horizontalement que si j’y étais contraint par un obstacle.

Malgré cela, ce fut une direction horizontale que je pris d’abord, pour trois raisons que je vais vous exposer. La première, c’est que les planches qui formaient l’extrémité de la caisse semblaient déjà presque détachées. La seconde, c’est qu’en introduisant mou couteau dans une des fentes du couvercle, j’avais reonnu la présence d’un de ces ballots de toile qui m’avaient déjà si souvent arrêté, et cette raison aurait suffi déjà pour me faire prendre la direction horizontale ; mais il y en avait une troisième.

Pour que vous puissiez bien la comprendre, il faut que je vous fasse connaître ce qu’était la cale d’un navire à l’époque dont je vous parle. Dans les vaisseaux bien faits, tels que les Américains nous ont appris à les construire, la raison que je vais vous donner n’aurait pas existé.

Mais, avant d’aller plus loin, il faut que je vous explique une chose bien simple en elle-même, la façon dont on fut amené à mesurer la capacité d’un navire, ce que l’on nomme le tonnage ou la jauge. Il y a de longues années, le Parlement anglais établit une taxe sur les navires : car, comme tout le reste, ils doivent payer pour pouvoir exister. Naturellement, il ne serait pas juste d’imposer également le propriétaire d’un pauvre petit schooner et celui d’un navire de deux mille tonneaux ; ce serait priver le premier de tous ses bénéfices et le couler du premier coup. Comment donc résoudre cette difficulté ? Rien de plus simple en apparence : en taxant chaque navire proportionnellement à son tonnage. C’est ce qui fut adopté. Mais alors, comment établir le tonnage ? On décida qu’il serait établi d’après les dimensions du navire. Mais le tonnage exprime le poids et non le volume des marchandises ; comment allait-on