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plier. C’est à peine s’il me restait assez de place pour me mouvoir. Devant ce nouveau malheur, je me sentis découragé, que dis-je ? presque désespéré.

Mais je ne me laissai pas longtemps abattre. En faisant assez de place pour sortir une autre pièce ou deux, je pourrais pratiquer un trou dans la paroi postérieure de la caisse, et si je trouvais derrière une autre caisse de drap ou une balle de toile, « alors, pensai-je, il sera temps de m’abandonner au désespoir ; jusque-là espérons. »

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Plein de foi dans ce vieux proverbe, je renouvelai mes efforts.

Après quelque temps, je réussis à retirer deux nouvelles pièces ; j’eus dès lors assez de place pour m’introduire dans la caisse, maintenant presque vide, et me mettre à l’œuvre avec mon couteau.

Il me fallut cette fois couper la planche au milieu, parce que l’étoffe m’en cachait les deux extrémités. Cela, du reste, faisait peu de différence. Quand j’eus fini ma section, je repoussai les deux fragments et j’obtins une ouverture suffisante pour ce que je voulais faire, c’est-à-dire pour y introduire la main. Quand je l’avançai, ce fut pour faire la plus navrante découverte : je venais de reconnaître une autre balle de toile !

Succombant à la fatigue et à l’émotion, je serais tombé, si cela eut été possible ; mais j’étais à plat ventre, et je demeurai quelque temps dans cette posture, en proie à une prostration complète.


CHAPITRE XVI
EXCELSIOR


Le besoin impérieux de prendre quelque nourriture me fit sortir de cette espèce de léthargie. J’aurais pu manger dans l’endroit où j’étais ; la soif me contraignit à regagner ma cellule. Ce n’était point chose facile que d’y retourner ; il me fallut enlever de ma route et rejeter derrière moi bien des pièces de drap avant que j’eusse déblayé mon appartement d’une façon suffisante pour y pénétrer. J’y réussis néanmoins, et après avoir pris mon repas et étanché la soif ardente qui me dévorait, je me laissai choir sur un monceau d’étoffe et m’endormis en un clin d’œil. J’avais pris ma précaution habituelle de fermer la porte de ma forteresse, et je reposai cette fois sans être troublé par les rats.

Le matin, je devrais plutôt dire à mon réveil, je bus et mangeai de nouveau. Je ne savais plus maintenant distinguer le jour de la nuit ; ma montre s’était arrêtée une ou deux fois, et mon sommeil moins régulier que jadis, ne pouvait plus me fournir d’indications précises à cet égard. Ce que je mangeai n’apaisa pas ma faim ; tous mes vivres n’y auraient point suffi, et je dus m’armer de tout mon courage pour ne point dévorer ce qui m’en restait ; la certitude qu’un pareil repas serait le dernier et la crainte de la famine me retinrent.

Après ce triste déjeuner que je complétai en me gorgeant d’eau, je me dirigeai vers la seconde caisse d’étoffes, déterminé à continuer mes recherches, tant que mes forces me le permettraient. Il ne m’en restait plus guère ; le peu de nourriture que je prenais suffisait à peine pour entretenir la vie. Mes côtes saillissaient comme celles d’un squelette, et je me sentais si faible que c’est à peine si je pouvais remuer les rouleaux d’étoffe. Les caisses étaient arrimées de façon que l’une de leurs extrémités confinait aux parois du navire, tandis que l’autre était dirigée vers l’in-