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parvenir à la détacher des cercles de fer qui la retenaient.

Avant d’en venir complètement à bout, je découvris ce qu’il y avait derrière, car j’avais introduit la main pour m’en assurer. C’était, hélas ! une autre caisse en tout semblable à celle-ci. Même bois, même volume, mêmes cercles de fer et sans doute même contenu. Cette découverte me désappointa ; mais, quoique je fusse convaincu qu’elle était remplie d’étoffes, je voulus en obtenir la certitude. Je procédai exactement comme je venais de le faire, avec infiniment plus de peine toutefois, parce que je travaillais dans des conditions plus défavorables. Pendant l’opération, la lame de mon couteau atteignit plusieurs fois une substance molle, souple et peu résistante, qui me sembla bien être du drap. J’en étais si persuadé, que j’aurais pu discontinuer mon travail ; mais j’étais talonné par cette sorte de curiosité qu’une démonstration complète peut seule satisfaire. Je poursuivis donc ma tâche jusqu’au bout. Le résultat fut ce que j’attendais : la caisse contenait du drap.

Le couteau s’échappa de mes mains. Accablé de fatigue et de chagrin, je tombai à la renverse et restai quelques minutes dans un état d’insensibilité presque complète. J’en fus tiré par une douleur aiguë que je ressentis à l’extrémité du doigt ; elle ressemblait à celle que produit une piqûre d’aiguille ou une coupure de canif.

Je me relevai sur-le-champ, persuadé que je venais de me blesser avec mon couteau que j’avais laissé tomber ouvert près de moi. Je fus bientôt convaincu que je me trompais ; ma blessure n’était point produite par un instrument tranchant, mais par la dent d’un animal, je venais d’être mordu par un rat !

La frayeur m’eut bientôt tiré de mon engourdissement. Plus de doute désormais ; ces hideux animaux en voulaient à ma vie, car, pour la première fois, j’étais attaqué sans provocation. Quoiqu’ils eussent décampé en entendant mes cris, j’étais sûr qu’ils reviendraient, sans se laisser arrêter par mes vaines démonstrations.

Je ne pouvais songer à dormir, exposé comme je l’étais à leur agression, bien que, selon toute apparence, je fusse condamné à mourir de faim, encore valait-il mieux finir de la sorte que d’être dévoré par les rats. La crainte d’une pareille mort me remplit d’horreur, et je résolus de tout faire pour y échapper.

J’avais le plus grand besoin de repos ; la caisse où je me trouvais était assez spacieuse pour que je pusse m’y étendre et dormir ; mais je me crus plus en sûreté dans ma cabine. Reprenant mon couteau et mon sac, je battis en retraite derrière ma futaille.

Ma chambre était bien étroite, depuis que j’y avais amoncelé l’étoffe qui garnissait la caisse. Il y avait tout juste assez de place pour mon sac et pour moi ; c’était plutôt Un nid qu’un appartement. Les pièces de drap empilées contre le tonneau d’eau-de-vie me protégeaient suffisamment de ce côté ; je n’avais donc plus qu’à clore l’autre extrémité ; c’est ce que je fis, et alors, après avoir avalé ma maigre pitance que j’arrosai de copieuses libations, je cherchai le repos de l’esprit et du corps dont j’avais tant besoin.

Mon sommeil ne fut ni profond ni réparateur. À mes souffrances morales venaient s’ajouter les souffrances physiques. Toutes les issues de ma cabine étant hermétiquement bouchées, la chaleur était insupportable. Pas le plus petit courant d’air pour me rafraîchir. J’obtins malgré cela quelques heures de sommeil dont il fallut bien me contenter.

À mon réveil je fis un repas, le plus maigre déjeuner imaginable ; puis je bus abondamment. J’avais la fièvre et je souffrais tellement de la tête qu’il me semblait qu’elle allait se fendre.

Cela ne m’empêcha point de retourner à l’ouvrage. Si deux caisses ne contenaient que de l’étoffe, ce n’était pas une raison pour que toute la cargaison fût de même nature, et je résolus de persévérer ; mais j’étais décidé à suivre une nouvelle direction, c’est-à-dire à perforer le bout de la caisse dont j’avais déjà ouvert la paroi latérale.

Prenant donc avec moi mon sac à miettes, je me remis à l’œuvre, soutenu par un nouvel espoir, et, après un rude labeur, rendu encore plus pénible par ma blessure, je réussis à détacher une des planches qui fermaient l’extrémité de la caisse.

Je sentis au delà quelque chose de mou, ce qui m’encouragea. Ce n’était certainement pas du drap, cette fois, mais qu’était-ce ? J’introduisis en tremblant la main par l’ouverture et je reconnus au toucher, de la toile d’emballage ; mais que pouvait-elle bien contenir ?

Je ne pus le deviner avant d’avoir coupé l’enveloppe avec mon couteau, et alors quelle déception ! Je trouvai de la toile fine, disposée