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cela une baguette rectiligne, assez longue pour le traverser dans sa partie la plus renflée. En introduisant cette baguette par une ouverture de la paroi et la conduisant jusqu’à la paroi diamétralement opposée, j’obtenais ainsi évidemment la longueur exacte du diamètre à cet endroit ; puis, en multipliant le diamètre par trois, j’aurais la circonférence.

Par un heureux hasard, un des trous que j’avais pratiqués se trouvait au milieu de la partie la plus renflée du tonneau. Une baguette introduite dans ce trou devait me donner le plus grand diamètre. Vous pensez peut-être que j’aurais pu arriver au même résultat en plantant verticalement ma baguette près de la futaille, et en lui faisant une coche à la hauteur du sommet de celle-ci Je l’aurais pu sans doute si mon tonneau avait reposé sur un plan horizontal, et si j’avais eu assez de lumière pour observer le niveau ; mais sa base disparaissant entre les poutres du navire, je me trouvais dans l’impossibilité de planter ma baguette de niveau avec cette base.

Le meilleur procédé me semblait donc consister dans le mesurage intérieur, et je ne me cassai point la tête à en chercher un autre.

Mais où trouver une baguette ? me direz-vous. La planche de sapin que j’avais enlevée à ma caisse de biscuits devait me la fournir ; je n’y eus pas sitôt pensé que je me mis à l’œuvre. Cette planche n’avait, il est vrai, guère plus de deux pieds de long, tandis que le diamètre que je voulais mesurer en avait bien quatre ou cinq, mais avec un peu d’ingéniosité on pouvait surmonter cet obstacle. Il suffisait de tailler dans la planche trois morceaux de bois et de les ajuster bout à bout. C’est ce que je fis. Je coupai le sapin dans le sens des fibres ; puis, ayant obtenu trois petites baguettes de l’épaisseur que je désirais, je m’appliquai à les rendre lisses et arrondies, et je les taillai en biseau aux extrémités. Il ne me restait plus qu’à me procurer deux morceaux de corde, ce qui était pour moi la chose du monde la plus facile. Je portais de petits brodequins lacés jusqu’à la cheville avec deux petites lanières de veau d’un mètre de long ; c’était bien l’affaire. Les ayant retirées des trous, je m’en servis pour ficeler mes petits bâtons les uns au bout des autres, et j’obtins ainsi une baguette de cinq pieds au moins, assez longue pour traverser ma futaille et assez mince pour pénétrer dans le trou, que j’avais du reste légèrement agrandi.

« Jusqu’à présent, ça va bien, » pensai-je. Je me levai pour introduire ma baguette, mais jugez de mon désappointement quand je vis que je ne pouvais accomplir cette opération qui semblait la plus simple de toutes. Ce n’est pas que le trou fût trop petit, ou ma baguette trop longue, mais je n’avais pas d’espace pour la manœuvrer. Si ma cabine avait presque six pieds de long, elle en avait à peine deux de large. Il m’était donc impossible d’introduire ma baguette sans la plier au point de la rompre, car le sapin sec se brise comme un tuyau de pipe.

J’étais vexé de n’avoir pas songé à cela plus tôt ; je l’étais surtout en pensant qu’il me faudrait renoncer à mon invention ; mais je m’aperçus, après avoir réfléchi, qu’on ne doit jamais se hâter de conclure. Je venais en effet de trouver le moyen de faire entrer ma jauge sans la plier et, par conséquent, sans m’exposer à la rompre. Pour cela, il me suffisait de la démonter, d’insérer dans la futaille le premier morceau auquel je fixerais le second, puis, après les avoir enfoncés tous les deux, de fixer de la même manière la troisième au second. En cinq minutes ce fut fait. Saisissant alors ma baguette par la partie saillante, je la dirigeai vers un point de la paroi diamétralement opposé à l’ouverture, puis, la maintenant solidement, je lui fis une entaille juste au niveau extérieur de la douve ; en déduisant l’épaisseur de celle-ci, j’obtins la mesure cherchée. Cela fait, je retirai ma jauge pièce par pièce, comme je l’avais introduite. Je pris bien soin d’indiquer par des coches l’étendue des assemblages, afin de pouvoir lui rendre la longueur exacte qu’elle avait dans le tonneau : précaution d’une importance capitale, si on songe qu’une erreur seulement d’un quart de pouce dans la longueur du diamètre fait une différence d’un grand nombre de gallons.

Maintenant que j’avais le diamètre du cône à sa base, il fallait trouver celui du sommet. Ce fut l’affaire d’une seconde.

Aux deux bouts du tonneau, il n’y avait pas assez d’espace pour admettre mon bras, mais je pouvais y passer ma baguette. J’appliquai donc l’extrémité de celle-ci juste au milieu du rebord opposé, et je fis ma coche