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CHAPITRE IX
JE METS LA FUTAILLE EN PERCE


Étendu tout de mon long dans ma cellule, reposant sur le côté droit, et la tête appuyée sur le bras, je sentis contre ma cuisse quelque chose comme une saillie de la planche ou un petit fragment de corps dur. Je commençais à en souffrir ; je me relevai donc un peu et j’étendis la main pour l’éloigner. À ma grande surprise, je ne trouvai rien ; mais je m’aperçus aussitôt que l’objet en question n’était pas sur les planches, il était dans la poche de mon pantalon.

Qu’avais-je donc là ? Je n’en avais aucune idée ; j’aurais pu supposer que c’était un morceau de biscuit, si je n’avais mis ce qui m’en restait dans la poche de ma veste, d’où il n’était pas descendu dans celle de mon pantalon. Je tâtai cette dernière ; j’y sentis un corps dur et allongé, sans pouvoir deviner d’abord ce que c’était, ne me rappelant pas avoir apporté autre chose que du biscuit et du fromage.

Je m’assis sur mon séant pour introduire la main dans ma poche, et je sus alors ce qu’elle contenait. Cet objet long et dur qui avait attiré mon attention, c’était le couteau que Waters m’avait donné. En le recevant, je l’avais mis machinalement dans ma poche, où je l’avais oublié.

Sur le moment, cette découverte ne me causa aucune émotion particulière ; elle me rappela seulement la bienveillance du matelot, laquelle contrastait si singulièrement avec la brutalité de son supérieur ; ce fut précisément la même pensée que j’avais déjà eue quand je reçus le présent du premier des deux. Tout en faisant cette réflexion, je retirai le couteau de ma poche ; puis, le plaçant près de moi pour n’en plus être incommodé, je me recouchai sur le côté, comme auparavant.

À peine venais-je de m’étendre ainsi, qu’une idée me traversa l’esprit comme un éclair ; je me remis aussitôt sur les jambes. Toutes mes espérances venaient de renaître, avec le couteau de Waters, ne pouvais-je pas faire un trou à la futaille et arriver jusqu’à l’eau ? Cela me parut tellement praticable que je ne doutai pas un instant du succès. La certitude que j’eus d’obtenir le précieux liquide détermina une complète réaction dans mes sentiments. Une fois encore mon désespoir fit place à la joie la plus folle.

En tâtonnant, je retrouvai le couteau. Je l’avais à peine regardé en le recevant ; maintenant je l’examinai avec soin, par le toucher, bien entendu ; je le palpai dans tous les sens, et autant qu’un pareil examen pouvait le permettre, je cherchai à me rendre compte de sa solidité et du meilleur usage que j’en pourrais faire.

C’était un vrai couteau de matelot dans le genre de ceux que les marins portent d’habitude suspendus au cou par une corde passée dans un trou du manche. La lame, de forme carrée, ressemblait beaucoup à celle d’un rasoir ; elle avait comme cette dernière le dos fort et épais. J’en fus ravi, n’ignorant pas qu’il fallait un solide instrument pour percer les douves de chêne, qui sont très dures.

Après l’avoir ouvert et avoir passé de nouveau mes doigts sur la lame pour bien me familiariser avec sa forme, j’essayai la solidité du ressort en le faisant jouer plusieurs fois ; puis je me mis à l’œuvre.

Vous vous étonnez de me voir prendre toutes ces précautions. Vous vous imaginez que, torturé comme je l’étais par la soif, j’allais me mettre à faire un trou tout de suite afin de pouvoir l’étancher plus tôt. Certes, ma patience subissait une rude