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CHAPITRE III
À LA RECHERCHE D’UN OURSIN


Je touchai bientôt de mes propres mains cette intéressante pièce de bois avec autant d’orgueil que si c’eût été le pôle Nord lui-même. Je ne fus pas peu surpris de ses dimensions, tant la distance m’avait trompé. Vue du rivage, elle ne m’avait pas semblé plus grosse que le manche d’une houe ou d’une fourche, tandis que la boule terminale paraissait égaler le volume d’un navet de grande taille. Jugez donc si je fus étonné quand je trouvai la perche aussi grosse et même plus grosse que ma cuisse et la boule beaucoup plus grosse que mon corps. En fait, ce n’était ni plus ni moins qu’un baril de neuf gallons placé debout à l’extrémité du pieu auquel il était solidement fixé. Il était peint en blanc, ce que je savais, l’ayant vu souvent briller au soleil.

J’avais aussi mal apprécié sa hauteur que son diamètre. De terre, je l’estimais à trois ou quatre pieds ; en réalité, il en avait au moins douze, et il était aussi élevé que le mât d’un sloop.

L’île avait bien près d’un acre de surface, c’est-à-dire cent fois plus que je ne l’avais supposé. Elle était en grande partie couverte de galets variant de la grosseur d’un petit caillou à celle d’une tête d’homme. On y voyait aussi des roches plus volumineuses à moitié ensevelies et aussi fortement fixées au sol que des roches peuvent l’être ; c’étaient les parties saillantes des grandes masses qui constituaient le récif. Toutes ces pierres, grandes et petites, étaient revêtues d’une matière noire et visqueuse. Çà et là elles disparaissaient sous un lit de plantes marines de différentes espèces.

Après avoir examiné la perche et m’être fait une opinion sur les dimensions du baril, je commençai à explorer le récif à la recherche d’un coquillage rare ou d’un autre objet digne de perpétuer le souvenir de cette grande excursion.

Du côté opposé à celui où j’avais laissé mon canot, le récif s’avançait dans la mer en formant une sorte de péninsule sur laquelle je crus apercevoir une collection de coquillages rares. Je m’avançai dans cette direction. J’avais déjà remarqué plusieurs espèces de coquilles enfouies dans le sable au milieu des galets, les unes avec leur locataire, les autres ouvertes et abandonnées ; mais je les avais déjà vues bien souvent, même dans les champs de pommes de terre, mêlées au varech. Ce n’étaient que des moules, des buccins et des buccardes. Je ne vis point d’huîtres et je le regrettai ; j’avais faim et j’en aurais bien mangé une douzaine ou deux. Il y avait des crabes et des homards en abondance ; mais je ne me souciais pas de les manger crus, et je n’avais aucun moyen de les cuire.

En me dirigeant vers la péninsule, je cherchais un oursin sans pouvoir en trouver. J’avais toujours désiré, mais en vain, un bel échantillon de cette curieuse coquille. Celles qui venaient s’échouer de temps à autre sur la côte, étaient bien vite ramassées par les gens du village, qui les emportaient chez eux pour orner leurs cheminées.

Le récif étant éloigné et peu fréquenté par les bateliers, j’avais l’espoir d’y trouver quelques oursins. Dans cette idée, je fouillais minutieusement toutes les crevasses et tous les trous à ma portée. À mesure que j’approchais de la presqu’île, certaines formes brillantes, qui avaient déjà fixé mon attention, devinrent de plus en plus distinctes, et j’eus le pressentiment que j’allais découvrir quelque chose de rare. Malgré cela, je n’en mar-