Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/598

Cette page n’a pas encore été corrigée

sait le nez et la bouche ; je perdais rapidement connaissance et j’allais lâcher prise. Juste au moment le plus critique, je sentis mes genoux frôler le fond du lac et je me trouvai près du bord. Trop heureux de mettre un terme à cette aventure, je lâchai la patte du cygne ; l’oiseau, redevenu libre, prit immédiatement son vol et s’éleva dans les airs en poussant des cris perçants.

Quant à moi, après pas mal d’éternuements et de hoquets, je sortis de l’eau en trébuchant et me trouvai enfin sain et sauf sur la terre ferme.

Cet accident m’avait tellement terrifié que l’idée ne me vint seulement pas de chercher mon sloop. Je le laissai donc finir son voyage comme il pourrait, et, prenant mes jambes à mon cou, je ne m’arrêtai qu’à la maison, où je me mis à sécher près du feu mes habits ruisselants.

Si vous supposez que cette leçon ait tempéré ma passion pour l’eau, vous êtes complètement dans l’erreur. À cet égard, mon bain ne me profita guère, mais il me servit d’une autre façon ; il me fit comprendre combien il est dangereux de tomber dans une eau profonde. C’est ce dont je ne m’étais point douté jusque-là, et malgré mon extrême jeunesse, j’appréciai immédiatement l’utilité de la natation. En conséquence, je pris la ferme résolution d’apprendre à nager. Ma mère m’y encouragea, et mon père, alors en voyage, me donna dans une de ses lettres des conseils sur la meilleure méthode à suivre. Je me mis donc sérieusement à l’œuvre avec le vif désir de devenir un nageur consommé.

Une ou deux fois par jour, dans la belle saison, j’allais me jeter à l’eau au sortir de l’école et je m’y ébattais comme un jeune, marsouin. Des enfants plus grands que moi, et qui savaient nager, me donnèrent quelques leçons, de sorte que j’eus bientôt l’immense satisfaction de pouvoir faire la planche sans l’aide de personne. Je me rappelle encore combien je me sentis fier la première fois que j’accomplis ce haut fait natatoire.

À ce sujet, jeunes lecteurs, permettez-moi de vous donner un conseil : suivez mon exemple et apprenez à nager ; la connaissance de cet art utile peut servir plus tôt que vous ne pensez à vous sauver la vie.

De nos jours, on court bien plus que jadis le risque de se noyer ; presque tout le monde maintenant voyage sur la mer ou sur les fleuves ; et le nombre de ceux qui, pour affaires ou par plaisir, exposent leur existence à la merci des flots est à peine croyable. Combien d’entre eux périssent, surtout dans les années fécondes en tempêtes !

Je ne prétends pas qu’un nageur, si habile qu’il soit, puisse atteindre le rivage, s’il tombe à l’eau au milieu de l’Atlantique ou même de la Manche ; mais on peut souvent se sauver sans gagner la terre. Bien des gens y parviennent en se dirigeant vers un canot, un espar, une cage à poules ou un baril vide auxquels ils se cramponnent ; un navire en vue peut cingler vers les naufragés et recueillir le nageur assez fort pour se maintenir à flot jusqu’à son arrivée, tandis que ceux qui ne savent pas nager vont naturellement au fond.

Sachez du reste que les naufrages n’ont pas lieu généralement au milieu des mers ; ils y sont très peu nombreux, comparés à ceux qui arrivent en vue du rivage et souvent sur le rivage même.

Tous les ans, des centaines de malheureux se noient à une encâblure de la côte qu’ils ne peuvent atteindre faute de savoir nager. Des navires chargés d’émigrants, de soldats et marins, périssent corps et biens, à l’exception de quelques bons nageurs. Pareils accidents se produisent dans des rivières qui n’ont pas 200 mètres de largeur et même dans les eaux glacées de l’étroite Serpentine.

Comment se fait-il donc que les gens s’inquiètent si peu en général d’apprendre à nager ? Comment se fait-il que les gouvernements n’y obligent pas la jeunesse ? Il est vrai que les gouvernants s’occupent bien plus d’imposer le peuple que de l’instruire.

Ne pourrait-on au moins obliger ceux qui voyagent sur mer à se munir d’une ceinture de sauvetage. Cette mesure simple et peu coûteuse préserverait des milliers d’existences, et personne ne se plaindrait de la dépense ou de la gêne qui en résulterait. Les gouvernements ont bien soin d’obliger les voyageurs à prendre ce papier sans valeur qu’on appelle un passeport ; mais, dès qu’ils ont empoché l’argent, ils ne s’inquiètent guère si la mer engloutit voyageurs et passeports.

Aussi, jeunes lecteurs, quel que soit l’avis de ceux qui vous gouvernent, suivez le mien et prenez la résolution de devenir bons nageurs. Commencez sans retard, et exercez-vous chaque jour, tant que la température le permet. Apprenez à nager maintenant que vous