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Nettie, elle s’écria, au contraire, les yeux brillants de plaisir :

« Quel bonheur ! Comme ce sera amusant ! Moi qui n’ai jamais vu de sauvages encore, — je veux dire des vrais ! »

Les deux officiers échangèrent un regard d’étonnement pour ce courage inconscient, et que l’apparente faiblesse de Nettie Dashwood, contrastant avec la taille élevée de la tremblante Juliette, rendait plus frappant encore.

« Rassurez-vous, miss Juliette, dit le capitaine Jim. Il n’y a aucun danger. Les Indiens sont à plus de cinq milles de distance et ne nous ont pas vus.

— N’importe ! s’écria Juliette au comble de la terreur. Partons, partons tout de suite !… Je vous en prie, monsieur Peyton, ramenez-nous au camp.

— Oui, c’est cela, partez, reprit le capitaine. Moi je vais rester en arrière pour surveiller les mouvements de ces gaillards-là, et savoir à qui ils en ont.

— Voulez-vous me permettre de rester avec vous, capitaine ? fit Nettie comme pour achever de rassurer sa cousine.

— Avec grand plaisir, et d’autant plus qu’il n’y a réellement, je vous l’assure, aucun danger. »

En dépit de ces assurances, Juliette Brinton n’en mit pas moins son cheval au galop pour rentrer au camp, suivie de M. Peyton. Tous deux eurent bientôt disparu derrière les ondulations de la prairie.

« Vous êtes un brave petit soldat, miss Nettie Dashwood, dit Jim Saint-Aure quand il fut resté seul avec elle. Mais vous vous trompez fort si vous croyez que les Indiens ont le moindre sentiment chevaleresque et témoigneraient quelque respect à une jeune fille. Ce sont de véritables démons, qui n’ont égard ni au sexe ni à l’âge, et, je vous le dis sincèrement, si je croyais qu’ils pussent nous surprendre ici, je ne leur en laisserais pas le temps : je prendrais mon revolver et je tuerais vous d’abord, moi ensuite, avant qu’ils n’arrivassent. Cela posé, êtes-vous toujours d’humeur à venir là-haut les surveiller ?

Nettie pâlit un peu, et la petite main qui tenait les rênes eut un léger tressaillement, mais elle se remit à l’instant et dit :

« Oui, capitaine, je vais avec vous ! D’ailleurs, je suis armée, moi aussi ! »

Et elle montrait un pistolet en miniature, monté en ivoire, qu’elle venait de tirer de sa ceinture.

« Qu’est-ce que cela ? fit le capitaine en ajustant son lorgnon, comme s’il ne pouvait pas voir à l’œil nu cette arme inoffensive.

— C’est un très bon pistolet, je vous assure ! répliqua Nettie un peu piquée, et avec lequel je touche un chapeau à douze pas, sept fois sur dix !

— Miss Nettie, vous me rappelez ce que Charley du Colorado disait un jour à un individu qui le menaçait d’une arme du même genre…

— Charley du Colorado ?… Quel est cet illustre personnage ?

— Un homme de la plaine, de nos amis… « Attention, camarade ! disait-il à l’autre, si « j’entends ce joujou-là faire le moindre bruit, « je vous le fais avaler comme une pilule ? »

Nettie se mit à rire, et, voyant le capitaine qui s’était remis en selle, se diriger droit vers le sommet de la butte, elle le suivit sans hésitation.

Ils ne tardèrent pas à apercevoir au loin le groupe de cavaliers, qui semblait se diriger droit sur eux.

« Mais comment savez-vous si ce sont des Indiens ? demanda la jeune lille.

— Prenez la lunette et voyez-le de vos propres yeux. » répondit le capitaine.

Elle fit comme il disait, et, au bout de deux ou trois minutes d’observation, elle s’écria- :

« Assurément non, capitaine, ce ne sont pas des Indiens. Est-ce que les Indiens portent des chapeaux ?…

— Voulez-vous me permettre de donner un autre coup d’œil ? reprit le capitaine. Je puis m’être trompé, mais je ne le crois pas. »

Il regarda cette fois plus attentivement, et tout à coup, éclatant de rire :

« C’est vous qui avez raison, miss Nettie, s’écria-t-il, et moi qui me suis grossièrement trompé, en prenant des blancs pour des Peaux-Rouges ! Et qui pis est, de nos propres dragons ! Car c’est le lieutenant Van Dyck et ses hommes que nous avons là ! »

La fillette devint toute blanche, puis toute rouge, mais resta silencieuse.

« Allons, allons, reprit le capitaine d’un ton paternel. Votre ami est sain et sauf, comme je vous l’avais promis.

— Mais l’avez-vous vu, lui ? demanda-t-elle tout à coup.

— Maintenant que j’y pense, non, répondit