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CHAPITRE XVI
Les piranhas. — Une surprise. — L’anacandaia. — Une fuite inespérée. — Histoire de l’anacandaia.


Les compagnons du Tapuyo n’étaient pas plus éclairés.

Les piranhas appartiennent à la grande tribu des salmonidœ, et il y en a de différentes espèces dans les rivières de l’Amazone, toutes d’un caractère très vorace.

Elles s’attaquent souvent aux baigneurs, les mettant en fuite et menaçant de les faire périr sous leurs dents !

Le Mundrucu promit à ses compagnons de les venger de l’attaque de ces poissons impudents.

Il savait que les piranhas, ayant goûté au sang, ne s’éloigneraient pas volontiers ; il était sûr qu’elles guettaient tous les mouvements des hommes, dans l’espoir de contenter, à un moment ou à l’autre, leur gourmandise.

Comptant sur cette circonstance, et sachant qu’il y avait de quoi faire une amorce suffisante dans la chair séchée de la vache, il s’occupa de fabriquer une ligne ; il y parvint en prenant deux épingles au costume de la petite Rosita, et en empruntant à la voile de peau une pièce de corde d’une longueur suffisante pour arriver à son but, c’est-à-dire remplacer une ligne, et la pêche commença. Dès que l’amorce eut été jetée, elle fut saisie par une piranha, qui se trouva immédiatement remontée sur la souche ; une vingtaine la suivirent. Tjpperary Tom leur donnait le coup de grâce avec un impitoyable empressement ; il se ressentait de la morsure infligée à ses talons.

La pêche finit d’une singulière manière : une des piranhas qui avaient été pêchées, retomba dans l’eau, emportant non seulement l’amorce, mais le crampon lui-même et aussi une portion de la ligne. La corde avait cédé près de l’extrémité de la baguette, et, à l’exception du morceau qui restait attaché au manche de la lance, le tout disparut pour toujours dans l’eau.

Munday, sachant que ces poissons sont excellents à manger, voulait continuer la pêche ; pour cette raison, la robe de Rosita fut encore dépouillée de deux autres épingles, et un autre morceau de corde fut pris dans la peau séchée de la vache.

Mais, quand le nouveau crochet eut été jeté, il s’aperçut avec chagrin que les piranhas ne voulaient plus mordre ; pas le plus petit tiraillement n’était imprimé à la corde.

Durant cet intervalle, nos aventuriers avaient tenu conseil, et en étaient arrivés à cette conclusion, que le jeu qu’ils avaient jusqu’alors joué était trop peu fructueux et qu’il était grandement temps de l’abandonner.

Ce petit incident fut, après réflexion, accueilli avec satisfaction.

Les blessures reçues étaient si légères qu’elles n’avaient d’abord inspiré aucune crainte ; mais Munday raconta que les piranhas sont plus à redouter qu’on ne l’imaginait, et que, lui-même, il lui était arrivé de n’échapper que bien difficilement aux attaques de leurs dents triangulaires.

C’est dans la rivière Rapajos que cette espèce de poisson se trouve en plus grande quantité.

Les poissons avaient si bonne mine que l’appétit des voyageurs se réveilla, et que tous furent d’accord pour y goûter immédiatement. Le chef de cuisine, Mozey, fut donc invité à préparer le feu et à y passer les piranhas, qui, rôties à point, furent déclarées « délicieuses ».

Après ce second repas, l’humeur devint encore plus joyeuse. Le soleil commençait à indiquer les quartiers du compas, et déjà