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nant s’échapper sans nul doute. Ils comptaient sans l’instinct maternel du monstre amphibie. Espérant encore pouvoir secourir sa progéniture, il essaya de s’en approcher malgré les fréquents coups de lance qu’il recevait et il persista jusqu’à ce qu’il eût reçu la blessure finale.

Son meurtrier répondit aux questions de ses camarades, lorsqu’il revint parmi eux, que s’il avait commencé par attaquer la mère, elle se serait probablement échappée en emportant son nourrisson. Ces animaux ayant la vie extrêmement dure, un coup de l’arme insuffisante qu’il avait pouvait la mettre en fuite ; le harpon seul, avec sa tête barbelée, venait d’ordinaire à bout de la vache-poisson.


CHAPITRE XV
Provisions de voyage. — Une voile de peau. — Au calme. — L’ennemi caché sous l’eau.


Tout le monde dormit tranquille cette nuit-là sur le bois mort, qui devint le lendemain témoin d’une série d’opérations assez curieuses.

Il s’agissait de fumer la vache-poisson. Munday accomplit l’œuvre en dépouillant l’animal et ensuite en coupant la chair par larges bandes qui furent suspendues au soleil.

Avant cela, on en avait fait griller au feu, allumé comme la veille, plusieurs tranches qui subvinrent au souper et au déjeuner. Personne ne critiqua la saveur de cette viande dont le goût est à peu près celui du porc, bien qu’il y ait des parties plus dures et plus coriaces.

Toute la journée se passa à préparer la viande que l’on exposa au soleil, ainsi que nous l’avons dit, au moyen de pieux et de sipos élevés sur le tronc d’arbre.

La raison de ces préparatifs se comprend : il fallait se mettre en état de supporter un long voyage. D’ordinaire, on se sert du gras de la vache-poisson pour en faire de l’huile, mais, dans les présentes circonstances, on le jeta à l’eau. Lorsque, vers le soir, les compagnons d’infortune s’assirent devant leur second souper, il y avait longtemps qu’ils ne s’étaient sentis si dispos. On se proposait de commencer le lendemain le voyage, lequel, ils l’espéraient, devait les amener de l’autre côté de la lagune, sinon en vue de la terre. La conversation roula sur le singulier animal rencontré la veille au soir.

Trevaniow leur dit que de semblables créatures — bien que d’une espèce différente — se trouvaient dans la mer, mais généralement près de quelque côte où il y avait de l’eau douce, près de l’embouchure d’une rivière.

Il y avait, dit-il, dans les mers de l’Inde, le « dugong », et dans les Indes de l’ouest, le manati ou manatee, appelé par les Français lamantin, que les Espagnols nomment vaca marina.

Le manati a dû être ainsi nommé à cause de ses nageoires, ayant quelque ressemblance avec les mains d’un être humain. Les espèces trouvées sur les côtes ouest de l’Inde sont beaucoup plus grandes que celles des bords de l’Amazone.

Ici Munday prit la parole : « Une des particularités de ces animaux, dit-il, ce sont leurs poumons, qui expliquent leur nature amphibie.

« Si l’on ôte à l’animal ses poumons et si on souffle dedans, ils se gonflent et deviennent aussi légers que du caoutchouc.

— Alors, observa le jeune Richard, ainsi gonflés, ils pourraient remplacer pour nous les cosses du sapuçaya, s’il fallait encore se jeter à l’eau. »

Munday raconta comment on capture le juarouâ. Le chasseur — ou pêcheur — se mu