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ravant ; maintenant le monguba, débarrassé de ses hôtes rouges, était revenu à sa couleur primitive.

À peine quelques centaines de tocandeiras rampaient-ils sur le tronc de l’arbre ; à leur aspeet effaré, on jugeait qu’ils devaient être échappés de quelque immense désastre.

La cause de la disparition des tocandeiras mérite un chapitre à part.

Le mangeur de fourmis dormait à peine depuis quelques secondes, lorsque Munday aperçut un petit oiseau à peu près de la taille d’un sansonnet, qui voletait parmi les branches des arbres. Il n’y avait là rien d’extraordinaire. L’oiseau ressemblait à un lanier ou à un gobe-mouches, et était, comme eux, d’un sombre plumage gris foncé teinté de bleu.

Comme nous l’avons déjà dit, il voletait parmi les branches de l’arbre, tout en piaulant avec une animation extraordinaire. On demanda une explication à Munday.

« C’est une grive à fourmis, dit-il ; si elle pouvait apercevoir le nid qui fourmille sur la bûche… Ah ! s’écria-t-il joyeusement, évidemment frappé de quelque pensée agréable, voilà l’ami qui nous débarrassera des tocandeiras. Je vous promets, patron, que, si l’oiseau mangeur de fourmis aperçoit cette masse rouge, elle aura disparu en moins de vingt minutes. Puisse le Grand-Esprit diriger les regards de l’oiseau ! »

Les naufragés continuèrent de surveiller ses manœuvres, tout en se tenant tranquilles, ainsi que le Mundrucu le leur avait recommandé.

Tout à coup la grive donna de grands signes d’inquiétude et changea de tactique : un cri aigu témoigna de sa surprise ; elle venait de voir le talmandua faisant sa sieste, et sans doute la présence de cet animal lui révélait celle des insectes.

Presque aussitôt, l’oiseau commença à chercher dans toutes les directions la proie pressentie. Un second cri annonça qu’il l’avait découverte, et, en même temps, signalait sa trouvaille, car il y eut une centaine d’échos, et bientôt un bruissement d’ailes considérable fut la preuve que l’appel avait été compris.

En moins de dix minutes, une légion de grives à fourmis eut débarrassé le tronc mort, qu’elles abandonnèrent ensuite pour s’envoler à la recherche d’un nouvel essaim.


CHAPITRE XIV
La chasse au talmandua. — Le juarouâ. — Une vache-poisson. — La lance de pashiuba.


Si le talmandua avait été surpris par la disparition des tocandeiras, il ne le fut pas moins en apercevant une créature ayant dix fois sa taille, arriver par le sommet des arbres vers celui sur lequel il avait pris sa sieste. Cette créature avait la sombre couleur du bronze, un corps long et élevé, une paire de jambes encore plus longues, des bras longs aussi, et une tête ronde avec des cheveux noirs tombant sur les épaules.

Le mangeur de fourmis voyait en ce moment, et pour la première fois sans doute, un être humain. L’apparition qui l’étonnait et l’effrayait tout à la fois, n’était autre que celle de Munday, qui s’était imaginé de le capturer afin de se procurer une pièce de résistance pour le dîner. Stimulé par l’ambition du rôti que lui promettait le talmandua, l’Indien se mit à courir de branche en branche, avec l’agilité d’un singe, en s’accrochant comme il pouvait aux sipos. Bientôt Richard Trevaniow vint se joindre à lui ; il s’agissait de traquer l’animal sur l’espèce d’isthme où il s’était réfugié, afin de l’empêcher de gagner la forêt, où il lui eût été facile de disparaître dans les broussailles.

Les chasseurs avaient cru venir facilement