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repas aussi réconfortant les attendait le lendemain matin.

Cette heureuse découverte du massaranduba influença heureusement les esprits des naufragés ; ils pensèrent que la Providence, venant aussi inespérément à leur secours, veillait sur eux, et leur permettrait d’échapper aux dangers de toutes sortes qu’ils avaient à redouter dans leur situation.

La conversation se ressentit de ces bonnes dispositions. On s’étendit naturellement en louanges sur l’arbre qui jouait ce soir-là le rôle de Providence.

Richard dit qu’à Para ses fruits et son lait étaient vendus par les négresses sur les marchés ; que sa moelle était employée avantageusement en guise de colle — dans les guitares, les violons, et pour raccommoder la porcelaine cassée — et que la ténacité de cette pâte résistait à n’importe quelle chaleur et quelle humidité.

Un autre fait curieux fut rapporté, c’est que la sève continue de couler longtemps après que l’arbre a été coupé, et que même les blocs reposant dans la scierie ont été vus fournissant pendant des mois entiers aux ouvriers de quoi accompagner leur café.

En d’autres mots, le massaranduba, contrairement aux vaches ordinaires, donne du lait, même longtemps après qu’il est passé à l’état de carcasse.

Le soleil, qui s’abaissait, avertit les interlocuteurs de prendre du repos. Ils se disposaient à s’étendre sur l’iliana, lorsqu’un incident, qui n’avait rien de malheureux, suspendit leurs dispositions, ainsi que celles du perroquet et du petit singe, qui s’étaient aussi réconfortés avec les fruits de l’arbre.

Le grand singe avait été oublié, même par Tipperary Tom, qui était son favori et aurait dû être son protecteur naturel.

Personne n’avait songé au coaïta, ou en tout cas ç’avait été avec un intérêt très secondaire.

Tous savaient qu’il pouvait prendre soin de sa personne lui-même, qu’il ne courait aucun danger dans une forêt submergée, mais tous furent contents, malgré l’abandon où l’on avait laissé l’animal, d’entendre ses cris non loin de là. Bientôt on le vit s’élancer sur les épaules de Tipperary Tom. Sa présence s’expliquait facilement. Pendant que les nageurs poursuivaient par longues étapes leur voyage à travers la forêt, il les suivait sans les perdre de vue sur les sommets des arbres adjacents. Il fut fêté à son retour de manière à être consolé de la séparation.


CHAPITRE XII
Est-ce un îlot ? — Rien qu’un arbre mort. — Les sterculiads. — Chassés par les tocandeiras. — Un tronc qui ne veut pas rouler. — On noie les tocandeiras.


Avant de s’endormir, les infortunés remercièrent Celui qui les avait protégés, et le lendemain, après avoir revêtu les appareils natatoires, ils se remirent en route.

Comme le jour précédent, leur marche fut embarrassée par les racines du piosoca ; et, à midi, malgré leurs efforts, ils avaient à peine avancé de trois milles — à ce qu’ils pouvaient en juger eux-mêmes en regardant derrière eux ; car l’immense massaranduba s’apercevait encore parfaitement. Ils ne l’avaient pas même perdu de vue, lorsqu’au coucher du soleil, au bout de dix milles environ, ils s’arrêtèrent enfin.

Celte fois, aucune place de repos devant eux ou autour d’eux. Les arbres, serrés les uns contre les autres, n’offraient ni entrelacements de branches, ni gros rameaux hori-