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se trouvaient à portée de leurs mains. Richard et l’Indien n’attendirent pas pour profiter d’une assistance qui arrivait si à propos, et bientôt les deux hommes, à moitié noyés, furent hors de danger de retomber au fond de l’eau. Quelques secondes suffirent pour leur faire retrouver l’échelle de l’iliana.

Une fois rétablis dans l’arbre, il y eut une explication : Tipperary Tom, ayant négligé les précautions voulues, avait glissé, par suite du relâchement de ses membres engourdis par le sommeil ; ses cris et son plongeon avaient saisi le nègre si subitement que, dans son effroi, il avait perdu aussi l’équilibre.

Le Mundrucu paraissait peu satisfait d’événements qui, en troublant son sommeil, lui avaient valu une chemise mouillée. Afin qu’un pareil événement ne se renouvelât point cette nuit-là, il attacha les deux maladroits avec des sipos assez forts pour résister aux plus horribles cauchemars.

La journée entière du lendemain se passa en explorations. Bien qu’elles ne s’étendissent point à plus de quatre cents mètres de leur refuge de la nuit, il fallut à nos aventuriers plus de peine pour les accomplir que si elles se fussent prolongées à plus de vingt milles sur terre.

Ils eurent à marcher à travers un fourré dont rien ne peut donner l’idée, un mélange épais d’arbres et de plantes parasites, tels que le palmier grimpant, « jacitara, » l’églantier à canne, les « bromelias » garnis à profusion d’épines pointues qui rendaient leur contact dangereux.

Le soleil était près de se coucher, quand Richard et le Mundrucu, qui avaient poussé les recherches plus avant, revinrent avec des nouvelles peu encourageantes. Ils avaient trouvé la forêt inondée dans toutes les directions, sans un pouce de terre ferme ; et l’Indien, d’après certains signes bien connus de lui, savait qu’on n’en pouvait approcher. Le mouvement rapide du courant, qu’il avait observé plusieurs fois dans la journée, prouvait qu’il n’y avait point de terre sèche dans le voisinage. On tint conseil.

L’igaràpé se terminait à l’endroit où ils se trouvaient ; il n’y en avait pas apparence au delà. Ils n’avaient trouvé qu’une vaste étendue d’eau sans arbres, son bord le plus proche était à la limite de leur excursion de la journée, c’est-à-dire à quatre cents mètres du bout de l’igarapé. Cette étendue d’eau découverte était bordée de sommets d’arbres. Munday proposa d’aller dans cette direction.

« Pourquoi ? demanda Trevaniow. Nous ne pouvons ni traverser cette eau sans embarcation, ni construire un radeau avec ces branches vertes pleines de sève, même si nous avions les outils pour les abattre et les joindre ensemble. À quoi nous sert d’aller par là ?

— Patron, répliqua l’Indien, notre seul espoir est dans cette eau découverte.

— Mais nous en avons trouvé amplement déjà, et n’y en a-t-il pas aussi derrière nous ?

— C’est vrai, patron, mais celle qui est derrière nous ne coule pas dans la bonne direction. Souvenez-vous, maître, c’est « l’échenté. » Nous ne pourrions pas aller par là, ce serait retourner vers le lit de la rivière, où, sans bateau, nous péririons infailliblement. Le gapo ouvert que nous avons vu aujourd’hui est du côté de la terre, quoiqu’elle puisse être bien éloignée ; en le traversant, nous nous approchons toujours de la terre ferme, ce qui est bien différent.

— En le traversant ? mais comment ?

— À la nage.

— Mais vous venez de dire qu’il s’étend presque jusqu’au bord de l’horizon ; cela doit être à dix milles ou davantage.

— Sans doute, patron, c’est ce que je pense.

— Voulez-vous dire que nous pouvons nager pendant dix milles ?

— Nous avons les ceintures natatoires qui nous soutiendront au-dessus de l’eau. S’il en manque, nous pouvons nous en procurer d’autres facilement.

— Je ne comprends pas pourquoi nous traverserions cette étendue d’eau, vous dites qu’il n’y a pas de terre sèche de l’autre côté ?

— Il y en a, mais pas bien près, je suppose. C’est de ce côté que nous devons nous diriger, autrement nous ne sortirons jamais du gapo. Si nous restons, nous mourrons de faim ou nous aurons à souffrir beaucoup. Nous fouillerions la forêt pendant des mois sans trouver d’issue ; suivez mon conseil, partons dès l’aurore. »

Dans les circonstances périlleuses où on était, les rapports de Trevaniow et de son Tapuyo se trouvaient complètement changés. Maintenant ce dernier semblait de fait le vrai patron. L’ex-mineur se rendit à son avis, et le jour suivant, au matin, les aventuriers