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conjectura qu’ils étaient en route pour quelque lieu de repos habituel. Trevianow supposa qu’ils se rendaient sur un terrain sec ; et, s’il ne se trompait point, la route qu’ils avaient prise pouvait les mener vers la terre ferme.

Le Mundrucu secoua la tête à cet avis. « Non, patron, dit-il. Il est tout aussi probable que les singes s’éloignent de la terre, car il leur est égal de dormir au-dessus de la terre ou au-dessus de l’eau, pourvu qu’ils aient des arbres pour s’accrocher. Il m’est souvent arrivé de les voir réunis autour d’un arbre, simplement occupés à babiller et à se jouer des tours les uns aux autres. Quelquefois ils s’amusent à ramasser des fruits, tels que des baies, ou les noix pulpeuses des palmiers, du « pupunha » et de « l’assai ».

— Et comment dorment-ils ? reprit Ralph, ont-ils des nids, ou bien perchent-ils ?

— Oh ! s’écria le Mundrucu, ils ne sont pas aussi difficiles que nous, mon jeune maître. Les femelles seulement habitent des nids, et encore quand elles sont sur le point de devenir mères. Autrement, les guaribas passent la nuit sur une branche, leur queue entortillée généralement à un rameau au-dessous. Souvent même ils s’endorment suspendus simplement, n’ayant aucune branche pour matelas, et cette position leur paraît parfaitement satisfaisante.

— Quels singuliers animaux ? fit le jeune Ralph.

— Pour cela, oui, jeune maître ! À voir leurs malices et certaines de leurs habitudes, on les croirait doués du même sens que les hommes. Vous avez vu comment ils ont secouru la pauvre femelle tombée à l’eau ? Ce qui est amusant, c’est de les observer quand ils désirent quelques fruits hors de leur portée : ils se mettent en enfilade au moyen de leurs queues enlacées les unes aux antres, de façon à former une chaîne assez longue pour toucher au but de leur convoitise, l’un d’eux servant de premier chaînon accroché à une branche et supportant toute la bande,

— C’est ce que nous leur avons vu faire tout à l’heure, observa Trevaniow ; mais ne parliez-vous pas d’usages encore plus singuliers ?

— Je les ai regardés faire un pont.

— Êtes-vous sérieux ?

— Certainement, ils s’y prenaient de la façon que je vous ai décrite tout à l’heure.

— Et dans quel but ?

— Mais dans celui de se faire un chemin à travers quelque étendue d’eau, pour traverser quelque courant rapide.

— Comment peuvent-ils faire ? demanda Ralph.

— Voici, jeune maître. Ils cherchent deux gros arbres situés l’un en face de l’autre sur les deux rives ; puis grimpant à celui qui se trouve de leur côté, ils forment l’entrelacement que je vous ai décrit, balançant la chaîne ainsi improvisée, jusqu’à ce que celui d’entre eux qui est à l’extrémité soit parvenu à empoigner une branche de l’arbre du côté opposé. Ceci fait, le pont est achevé. Alors, le reste de la troupe, les invalides, les vieillards, les femelles et les enfants, passent lestement sur les corps de leurs camarades plus robustes ; cette opération achevée, le singe qui occupe le bout de la chaîne, lâche prise de la branche, et s’il est jeté dans l’eau, c’est sans danger, car il grimpe immédiatement sur le corps de ceux qui sont au-dessus de lui ; les autres font de même.

— C’est merveilleux ! s’écria Tipperary Tom ; mais, Munday, les avez-vous jamais vus tomber du haut d’un arbre ?

— J’en ai vu un se jeter du haut d’un palmier qui avait bien cent pieds de haut.

— Et, sûrement, il fut tué du coup ?

— À peine eut-il touché terre, qu’il rebondit sur un autre arbre d’égale hauteur, et se mit à jouer dans les branches supérieures…

— Miséricorde !

— Ah ! soupira Trevaniow, que n’avons-nous l’élasticité de ces animaux ? Qui sait ce qui nous attend ! Prions avant de prendre du repos, et espérons que tôt ou tard nous verrons finir nos souffrances. »

La prière achevée, chacun chercha la meilleure position possible pour obtenir une bonne nuit.