Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/532

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’était une bonne fortune pour nos aventuriers d’avoir trouvé un logement sur le bertholletia. Pour nourriture solide, il leur restait encore une couple de jeunes perroquets, qui n’avaient pas été cuits, mais Munday se chargea, comme auparavant, de les transformer en rôtis, et bientôt les mâchoires se mirent à l’œuvre, un appétit ardent remplaçant les épices.


CHAPITRE IX
Une société de guaribas en voyage, — La mère guenon. — Le Mundrucu parle des singes.


Le souper fini, nos aventuriers n’attendaient que le coucher du soleil pour chercher le repos.

Ils avaient déjà choisi leurs lits respectifs, ou ce qui devait leur en servir, sur le réseau horizontal formé par les entrelacements de l’exubérant iliana. Ces couches laissaient peut-être à désirer, mais tous les jours ils devenaient moins difficiles quant aux délicatesses de l’existence. Leur voyage avait été pénible, tous aspiraient au sommeil ; le destin avait décrété qu’il en serait autrement.

Un bruit, au loin dans la forêt, attira à ce moment leur attention. Heureusement ils l’avaient déjà entendu ; sans cela, au lieu de n’en ressentir aucune alarme, leurs craintes eussent pu être excitées au plus haut degré : c’était le cri lugubre d’une bande de singes.

Il y avait de quoi éveiller tous les échos de la forêt. Eh bien, tant de bruit est souvent produit par un seul « hycete » ou singe hurlant, que son os creux hyoïdal rend capable de jeter toute espèce de sons, depuis le roulement d’une grosse caisse, jusqu’au cri aigu d’un sifflet de deux sous.

« Des guaribas, observa le Mundrucu.

— Des singes hurlants, voulez-vous dire ? reprit Trevaniow.

— Oui, patron, et les plus forts hurleurs de toute la tribu. Vous les entendrez mieux encore tout à l’heure, car ils viennent par ici ; ils ne sont pas plus loin maintenant qu’à un kilomètre — ce qui prouve que la forêt s’étend encore à plus d’un kilomètre dans cette direction — sans quoi ils ne pourraient pas être là. Ah ! si nous pouvions seulement voyager sur le sommet des arbres, comme eux. Nous ne resterions pas longtemps dans le gapo.

« Ainsi que je m’y attendais, reprit le Tapuyo après une pause, les guaribas arrivent. Ils approchent maintenant ; j’entends le bruissement des feuilles qu’ils frôlent en passant. Nous les verrons bientôt. »

En effet, si les cris des singes avaient cessé, le bruit des ramilles annonçait que la troupe s’avançait toujours.

Bientôt ils apparurent subitement sur un arbre élevé, à côté de l’igarapé, à environ la distance d’un câble de celui occupé par nos aventuriers, et l’oscillation des branches, à mesure qu’un guariba s’y élançait, se répéta plus de cent fois. Lorsque le meneur de la bande, qui était évidemment le chef, aperçut l’igarapé, il s’arrêta brusquement en jetant un cri, qui devait être un mot d’ordre : il eut pour effet de faire faire halte à ceux qui le suivaient.

Cet arrêt avait sans nul doute pour cause l’igarapé s’interposant en travers du sentier dans lequel ces derniers voyageaient. Comment devaient-ils le traverser ?

À l’endroit où les noirs quadrumanes s’étaient groupés dans l’arbre, le détroit d’eau était plus rétréci qu’ailleurs, ou du moins qu’à aucun autre endroit en vue. Pourtant, entre les branches s’étendant horizontalement des côtés opposés de l’igarapé, il y avait encore un espace libre d’environ vingt pieds, et pour les spectateurs il paraissait improbable