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donnez, je tirerai des étincelles de l’imbaüba et je ferai du feu aussi ; c’est-à-dire si je puis seulement trouver une branche sèche — sans moelle, bien morte, et desséchée. »

Tout en parlant, le Mundrucu avait commencé de descendre le tronc du seringa, et se laissant tomber dans l’eau, il nagea vers le cecropia.

En l’atteignant, il y grimpa aussi agilement qu’un écureuil, et s’assit parmi les frondaisons d’un blanc d’argent étendues au-dessus de l’eau.

Bientôt un bruit sec annonça une branche brisée, et aussitôt après l’Indien apparut glissant de l’arbre et se confiant de nouveau aux flots, en brandissant au-dessus de sa tête la branche de cecropia.

Lorsqu’il rejoignit ses compagnons, ceux-ci virent qu’il tenait à la main un morceau de bois d’apparence poreuse. L’Indien leur apprit qu’en effet l’imbaüba était l’arbre toujours employé par ceux de sa nation, aussi bien que des autres tribus de l’Amazone, quand ils désiraient allumer du feu.

Et il procéda sans plus de délai à l’opération.

Le procédé employé fut le même que celui en usage dans toutes les parties du monde : le frottement.

Des feuilles sèches, des tiges et des écorces avaient été amoncelées, et bientôt une flamme brillante éclaira l’une des fourches du seringa.

Les papegeais, supportés par des broches, furent placés devant le feu et grillés, et les aras rôtis, flanqués de noix de sapuçayas cuites dans leur jus, offrirent bientôt aux affamés un souper digne des plus fins gourmets.

Nos aventuriers passèrent une nuit supportable parmi les sipos du siphonia. Ils eussent même dormi à poings fermés sans l’anxiété que leur inspirait l’avenir, et qui troublait jusqu’à leurs rêves. Malheureusement, le réveil ne pouvait apporter aucun soulagement au cauchemar ; car il devait leur montrer la réalité sous son aspect le moins encourageant.

Ils avaient des papegeais pour leur déjeuner, les rôtis refroidis de la veille, soigneusement conservés à cette intention.

Le lever du soleil fut l’heure fixée pour le déjeuner ; les appétits une fois calmés, les esprits commencèrent à se préoccuper des moyens de sortir du gapo. Cette question n’était point aisée à résoudre. Le livre de loch de Tipperary Tom n’avait pas été tenu avec soin. On ne pouvait imaginer même par à peu près la distance traversée par le galatea, avant son malheureux accident entre les fourches du sapuçaya. C’étaient peut-être vingt milles — cinquante milles, — impossible d’apprécier le chemin fait plus positivement. On ne savait qu’une chose : c’est que l’embarcation dérivée du Solimoës s’était, enfoncée dans la solitude du gapo. Quant à leur position présente, ils l’ignoraient aussi absolument que s’ils se fussent trouvés dans le Sahara ou dans la lune.

D’après les connaissances topographiques du Tapuyo, on aurait pu savoir la direction de la rivière ; mais on ne songeait plus à retrouver le canal du Solimoës. Le seul but qu’on dût se proposer maintenant, consistait à gagner la terre ferme, qu’il fallait chercher dans le quartier opposé du compas.

Il eût été hors de raison de retourner vers le Solimoës, sans les moyens d’y naviguer ; car, pût-on atteindre son lit, il y avait une chance à peine sur mille pour que l’on se trouvât dans le hélage d’un vaisseau naviguant par là.

Nos aventuriers ne pensèrent donc qu’à découvrir la route la plus courte pour aborder à la terre s’étendant au delà de la région inondée par le gapo. On devait la trouver dans la direction opposée à celle de la rivière. — Cela n’était point absolument certain, mais c’était dans les hypothèses probables.

Ils eurent peu de difficulté à déterminer la route qu’ils devaient suivre, l’indice désigné par l’Indien était là : l’échente continuait, l’inondation allait crescendo. Le courant venait de la rivière, sinon dans une ligne perpendiculaire, assez directe cependant pour indiquer la position du grand Solimoës. Il fallait tourner les yeux du côté opposé pour y trouver la terre ferme, et c’est ce que firent nos aventuriers. Peut-être se trouvait-elle beaucoup plus loin que la rivière, mais il ne se présentait pas d’autre alternative que de l’atteindre ou de mourir. Par quel moyen ? Telle fut la question qui s’offrit ensuite au congrès siégeant dans le caoutchouctier des Indes. Ils ne devaient point espérer de pouvoir nager pendant toute la distance ; car, selon toute probabilité, une vingtaine de milles, si ce n’est plus, les séparaient de leur but.

Un radeau ? Avec quoi l’eussent-ils construit ? Parmi tant d’arbres, pas un seul n’eût fourni