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Le Mundrucu possédait un couteau court, mais c’était une bien petite défense contre tant d’ennemis. En peu de secondes les deux compagnons furent couverts de blessures.

Le jeune Trevaniow, sans attendre les conseils de son compagnon, abandonna la branche sur laquelle il s’était tenu jusqu’alors et plongea dans le gapo.

Les assaillants, perdant leur victime, remontèrent dans le haut de l’arbre et dirigèrent toute leur vengeance contre le Mundrucu.

Celui-ci imita la conduite de son jeune compagnon, il s’élança dans l’eau et se trouva bientôt près de Richard.

Tous les deux nagèrent pendant quelque temps côte à côte, laissant derrière eux une traînée rouge, car le sang s’échappait abondamment de leurs blessures.

Nos aventuriers ne nagèrent pas très loin du seringa, les oiseaux ne s’étant pas mis à leur poursuite.

Satisfaits de voir les intrus délogés de leur demeure, les habitants de l’arbre revinrent à leurs nids pour juger des dégâts qui y avaient été faits.

La paix se rétablit bientôt parmi eux. Les voyageurs n’avaient donc plus à redouter aucune agression de la part des oiseaux.

Ce ne fut pas cependant cette pensée qui fit que le Mundrucu s’arrêta en regardant d’un œil inquisiteur autour de lui. Une autre réflexion lui était venue sans doute, car il manifesta l’intention de retourner immédiatement vers l’arbre.

« Dans quel but ? demanda le jeune Paranèse.

— D’abord dans celui qui nous a fait y monter déjà, répondit l’Indien, et ensuite pour avoir notre revanche, fit-il en roulant de gros yeux. Un Mundrucu, jeune maître, n’est pas saigné de cette façon, même par des oiseaux, sans se venger. Je ne m’en irai pas de ce bois sans avoir tué jusqu’au dernier papegeai, ou sans les avoir chassés de l’arbre jusqu’au plus petit.

— Et comment comptez-vous arriver à cela ?

— Suivez-moi, et vous verrez. »

Tout en parlant, l’Indien se tourna vers le bosquet d’arbres formant un côté de l’arcade de l’eau. Une brassée ou deux l’amenèrent à portée de quelques parasites, et il conseilla au jeune Richard de faire de même.

Ils se trouvèrent abrités par le sommet de ce qui paraissait être un gigantesque mimosa.

« Ceci fera mon affaire, » dit le Mundrucu en tirant son couteau ; et commençant à couper une grosse branche de l’arbre, il la convertit bientôt après en deux triques d’environ deux pieds de longueur.

« Maintenant, jeune maître, dit-il après avoir affilé les bâtons à sa satisfaction, nous sommes tous les deux armés, et prêts à livrer bataille aux papageais avec la chance d’être victorieux. »

Il redescendit, s’élança dans l’eau, et nagea vers le seringa ; le jeune Richard le suivit.

Ils remontèrent à l’arbre, tenant les triques bien serrées dans leurs mains, et renouvelèrent la bataille. Cette fois, elle parut devoir être à leur avantage. Des oiseaux tombaient à chaque coup ; d’autres, voyant devant eux une destruction certaine, avaient pris leur volée au plus profond de la forêt.

Le Mundrucu, fidèle à sa promesse, ne laissa pas un seul papegeai sur l’arbre ; leur tordant le cou à mesure qu’il en tombait un, et alors, attachant leurs jambes avec un sipo, il les déposa dans un creux de l’arbre.

« Ils peuvent rester là jusqu’à notre retour, car nous ne serons pas longs à notre besogne ; — maintenant, à l’œuvre ! »

Richard, n’ayant pas été initié aux projets de son camarade, se contenta de le regarder.

L’Indien, après avoir mis de côté la trique qui avait causé tant de ravages parmi les oiseaux, tira encore une fois son couteau de sa ceinture.

Choisissant une place dans les larges membres du seringa, il pratiqua une incision dans l’écorce, et le jus commença à en sortir immédiatement.

Son intention n’était pas de laisser perdre la précieuse sève. Il avait apporté deux pots de singe, pris à un sapuçaya. Il en donna un à Richard avec recommandation de le tenir dans l’entaille, pendant qu’il se préparait à faire une autre incision.

Bientôt les deux coquilles furent pleines jusqu’au bord d’une matière épaisse et gluante, semblable à de la belle crème.

Les couvercles furent mis sur les pots et attachés à l’aide des sipos, puis une grande quantité de ce cordage naturel fut rassemblée.

Ceci accompli, le Mundrucu annonça son intention de retourner vers l’arbre qui contenait les naufragés ; et après avoir partagé le butin