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mées, non seulement des habitants de Para, sa ville natale, mais de toute la région amazonienne.

« Certainement, répliqua-t-il à la question du Mundrucu, je le reconnais maintenant, c’est le seringa, — l’arbre dont on tire le caoutchouc. Mais que voulez-vous faire de cela : pensez-vous construire un radeau en gomme élastique ?

— Vous verrez, jeune maître, vous verrez. »

Pendant cette conversation, le Mundrucu était monté dans le seringa, et maintenant il appelait son compagnon, pour qu’il le rejoignit.

Le jeune homme répondit à l’invitation ; ayant saisi l’iliana, il s’élança de l’eau, et bientôt trouva un logement sur une des branches les plus basses.

L’arbre sur lequel nos deux nageurs étaient montés était le siphonia elastica, de l’ordre des euphorbiacées. — l’arbre à caoutchouc que fournit la vallée de l’Amazone.

Richard venait à peine de s’établir sur l’arbre, quand une exclamation de son compagnon, monté plus haut que lui dans les branches, lui fit dresser la tête.

« Qu’est-ce que c’est, Munday ?

— Quelque chose de bon à manger, maître.

— Je suis content de l’apprendre ; je me sentais affamé. Pour être franc, ces noix de sapuçaya ne m’avaient satisfait qu’à moitié. J’aurais aimé un peu de poisson et de viande pour les accompagner.

— Ce n’est ni l’un ni l’autre, répliqua le Mundrucu, mais c’est tout aussi bon, cependant, c’est de la volaille !

— De la volaille ! De quelle sorte, je vous prie ?

Arara.

— Oh ! un papegeai ! Mais où est l’oiseau ? L’avez-vous déjà ?

— À l’instant ! répondit le Mundrucu, et plongeant son bras jusqu’à l’épaule dans la cavité formée dans le tronc de l’arbre, il amenait un oiseau à demi emplumé, presque aussi gros qu’un poulet.

— Ah ! un nid, des petits ! aussi gras que du beurre ! Parfait, Munday ! Il nous faut les emporter avec nous. Nos amis dans le sapuçaya doivent avoir autant d’appétit que nous, et seront sans aucun doute enchantés de cet appoint de nourriture. »

Dès que le Mundrucu eut fait sortir le papegeai de son nid, celui-ci poussa de tels cris en frappant les ailes, qu’ils retentirent non seulement dans le sommet de l’arbre, mais encore dans la forêt tout entière.

Cette plainte discordante fut répétée par un de ses compagnons niché dans la cavité du tronc, et bientôt une vingtaine de voix semblables se mirent à crier aussi, ce qui fit supposer que l’arbre comportait plusieurs cavités renfermant d’autres nids.

« Une véritable ménagerie de papegeais ! s’écria Richard en riant. Nous allons avoir de ces petits oiseaux dodus assez pour vivre pendant une semaine. »

Il venait à peine d’achever ces mots quand une grande clameur retentit dans l’air. C’était un mélange de bruits confus, un caquetage, des cris de frayeur qui semblaient sortir de gosiers humains. On aurait dit des polichinelles qui se querellaient.

Ces sons paraissaient venir d’une grande distance ; mais quelques minutes ne s’étaient pas écoulées, qu’ils s’entendirent tout près des oreilles du Mundrucu plus haut perché dans l’arbre, tandis que le soleil était presque caché par les ailes étendues d’une vingtaine de grands oiseaux planant avec une extrême agitation au-dessus du seringa.

Les nouveaux venus étaient les parents des jeunes papegeais, qui revenaient d’aller chercher la becquée pour leurs nichées. Mais ni l’Indien ni son compagnon n’avaient imaginé jusque-là qu’il y eût la moindre cause d’alarme dans leur situation.

Ils ne restèrent pas longtemps dans cette quiétude, car presque dès le moment de leur arrivée, les papegeais se répandirent par toutes les branches et commencèrent des ailes, des becs et des ongles une attaque simultanée contre les intrus.

L’Indien fut le premier à soutenir la lutte. Elle fut engagée avec tant d’ensemble, que le jeune nourrisson lui échappa des mains et tomba lourdement dans l’eau. Sa descente fut accompagnée de celle d’une douzaine d’oiseaux, ses parents, sans doute, et leurs amis, qui, apercevant un autre ennemi plus bas, se précipitèrent pour l’attaquer.

La force des assaillants se trouvant ainsi divisée, le plus grand nombre continua ses attaques contre l’Indien, et Richard eut fort à faire avec ceux qui s’étaient tournés contre lui, si on considère qu’il n’avait point d’arme et que ses vêtements légers le laissaient à la merci de leurs coups.