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Le cœur de Trevaniow souffrait donc les anxiétés les plus grandes.

« Oh ! Dieu ! s’écria-t-il. Que faire pour détruire ce monstre ?

— Il y a encore une chance, maître, dit Mozey — à qui une idée était venue — prenons la tige de l’iliana, et employons toutes nos forces à la détacher de l’arbre ; nous la secouerons ensuite, et ainsi nous enverrons encore une fois le reptile dans la mer. »

Tout en parlant, le nègre saisit le parasite, par lequel le serpent se rapprochait d’eux, et il mit tous ses efforts à le détacher du sapuçaya. Ses compagnons joignirent leurs forces aux siennes, et tâchèrent de désenlacer l’iliana. Une dernière secousse le détacha, et le jararaca, accroché à son appui, se balança dans l’air pour s’engloutir bientôt après dans les eaux qui s’étendaient au-dessous.

Une acclamation joyeuse accueillit encore le succès ; mais, pour la seconde fois, elle s’éteignit aussitôt, car le jararaca, remonté à la surface du gapo, revenait vers le sapuçaya avec une détermination terrible ! lorsque, tout d’un coup, il abandonna son dessein et se mit à nager sur le gapo dans la direction du bosquet — juste dans le sillage de Richard et du Mundrucu.

Lorsque l’émotion se fut calmée parmi les habitants du sapuçaya, la faim commença de nouveau à se faire sentir. Mais la nourriture ne manquait pas, et Ralph monta de nouveau à l’arbre, pour l’obtenir. Il eut bientôt recueilli une douzaine des grosses noix, qu’il jeta à ceux qui étaient au-dessous de lui ; on puisa de l’eau dans une des cosses vides, et le repas fut complet.

Il n’y avait plus rien à faire que d’attendre le retour des deux nageurs, partis à la découverte pour le salut de tous. Tous les regards étaient fixés sur les flots sombres, tous les cœurs battaient de crainte et d’espoir.


CHAPITRE V
L’eau-arcade. — Le syringe ou seringa. — Une bataille avec les oiseaux.


Nous allons suivre maintenant la fortune des deux individus, députés pour explorer les eaux du gapo.

En atteignant le bord de la foret submergée, leur première pensée fut d’attraper la branche la plus proche et de s’y attacher pour s’y reposer.

Ils ne furent pas longtemps dans le doute quant au caractère de la scène qui les entourait.

« Le gapo ! murmura Munday, comme ils glissaient sous son ombre. Ce n’est point ici de la terre ferme, jeune maître, ajouta-t-il en saisissant un iliana, nous ferons aussi bien de chercher un perchoir, et de nous reposer. Cela a au moins dix brassées de profondeur ; le Mundrucu peut l’assurer, par l’espèce d’arbres qui s’élèvent au-dessus de nous.

— Je ne m’attendais pas à autre chose, répondit le jeune Trevaniow, imitant son compagnon en grimpant sur une branche : ma seule espérance était que nous pourrions trouver quelque bois flottant pour faire traverser les autres, — non pas que cela doive nous avancer beaucoup ; — si nous réussissons, comment ferons-nous pour sortir de ce gâchis, c’est plus que vous et moi ne pourrions dire, Munday !

— Un Mundrucu ne désespère jamais ! — même au milieu du gapo, — telle fut l’orgueilleuse réplique de l’Indien.

— Vous avez de l’espoir, alors ? Vous pensez que nous pourrons trouver des couples pour un radeau, qui nous conduira hors de l’inondation ?

— Non, répondit l’Indien, je n’ai guère