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aux singes. Le galatea avait possédé cinq ou six de ces animaux, et deux seulement avaient pu prendre refuge sur l’arbre : un beau petit ouistiti, et un plus grand animal du genre atèle — le noir coaïta. Les autres s’étaient enfoncés avec l’embarcation.

On avait eu aussi une collection de volatiles favoris d’espèces rares et curieuses, réunis pendant le long voyage de l’Amazone supérieur, et dont quelques-uns avaient été payés très cher à leurs propriétaires indiens. Les uns en cage périrent dans le naufrage, d’autres furent enlevés dans l’ouragan ; comme pour les quadrupèdes, deux des oiseaux seulement trouvèrent asile sur le sapuçaya. L’un, splendide papegeai de couleur hyacinthe, le « araruna des Indiens » (macrocerbus hyacinthius) ; l’autre, un perroquet de la plus petite espèce, et le plus mignon de sa tribu, qui, avec le ouistiti, partageait depuis longtemps les affections de Rosita.

Une heure environ s’était écoulée depuis le départ des nageurs sans qu’aucun signe annonçât leur retour. Leurs compagnons, restés sur le sapuçaya, commençaient à jeter des regards anxieux du côté où ils avaient disparu. Doux ou trois fois ils crurent entendre leurs voix, mais mêlées à d’autres sons dune nature mystérieuse, dans un chœur bruyant et confus.

Près de deux heures s’écoulèrent encore, et les visages commencèrent à exprimer le renoncement à l’espérance. Certainement Richard et le Mundrucu avaient eu le temps d’explorer la forêt. Comment ne revenaient-ils pas ? Leurs exclamations, lorsqu’elles étaient parvenues jusqu’à eux, semblaient arrachées à la frayeur, et produites par une situation critique. Et maintenant plus rien, le silence. Étaient-ils morts ?


CHAPITRE IV
Le jararaca (vipère du Brésil). — Le perroquet.


Il est des sensations physiques plus fortes que les préoccupations de l’esprit, et de ce nombre, sont la faim et la soif. Les naufragés ressentirent bientôt ces deux souffrances à un degré extrême ; le moyen de satisfaire l’une et l’autre était à leur portée dans les noix du sapuçaya. Ralph, d’après le conseil de son père, se mit à grimper plus haut dans l’arbre afin d’atteindre d’autres fruits ; ceux-ci étaient suspendus, comme c’est le cas dans beaucoup d’arbres de l’Amérique du Sud, aux extrémités des branches.

Le jeune garçon était agile et hardi, aussi en un clin d’œil eut-il atteint au sommet du sapuçaya. Le papegeai, perché sur sa tête, l’avait suivi dans son excursion.

Tout à coup, l’oiseau se mit à crier, comme effrayé par une terrible apparition, et sans perdre un instant, il commença à tourner autour de l’arbre en continuant ses cris. Le jeune homme regarda autour de lui et ne put rien découvrir pour expliquer cet accident.

Les cris de l’araruna furent instantanément répétés par le petit perroquet, d’un accent non moins pénible, tandis que le coaïta et le ouistiti vinrent se presser contre eux avec un air de profonde terreur.

Guidé par les oiseaux qui se tenaient sur un point particulier de l’arbre, le jeune garçon découvrit enfin la cause de l’alarme, et la vue en était bien faite pour le terrifier lui-même. C’était un serpent reposant sur un iliana qui s’étendait diagonalement entre les deux branches de l’arbre. Il était d’un jaune brun approchant de la couleur de l’iliana, et sans sa peau unie et brillante et les élégants contours de son corps, on aurait pu le prendre pour un parasite qui en étreignait un autre.