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nuer jusqu’il une autre station : mais cela étant contraire à l’habitude, il refusa. Prières et menaces furent employées en vain. Tous les hommes, à l’exception d’un seul, persistèrent dans leur refus : c’était un vieil Indien Mundrucu, qui n’appartenait pas à la tribu d’Ega et qui ne put résister à la belle récompense offerte pas le maître. Une seule alternative se présentait donc aux voyageurs : ou rester à Coary, ou s’embarquer sans pagayeurs, en ramant eux-mêmes, avec le vieil Indien pour guide.

Ce fut la résolution à laquelle s’arrêta Ralph Trevaniow.

Le radeau qui emportait l’ex-mineur, sa famille et ses serviteurs, flotta de nouveau sur le Solimoès, mais moins vite cependant, car les pagayeurs, réduits de moitié, n’avaient pas autant d’expérience que l’équipage qui les avait précédés.

Le propriétaire lui-même remplissait la charge de timonier.

Les pagaies étaient tenues par Tipperary Tom, Mozey, le vieil Indien que l’on appelait « Munday, » parce qu’il appartenait à la peuplade des Mundrucu, et Richard Trevaniow.

Ce dernier, bien que le plus jeune, était peut-être le meilleur matelot, l’Indien excepté. Élevé à Gran Para, il avait été accoutumé à passer la moitié de sa vie sur l’eau.

Le jeune Ralph, au contraire, vrai montagnard, ne comptait pas dans l’équipage du galatea. Le soin des animaux, avec quelques autres légères occupations, lui avait été confié, ainsi qu’à la petite Rosita.

Le voyage ne fut interrompu le premier jour par aucun accident.

Comme ils avaient encore un millier de milles à franchir avant d’atteindre Gran Para, la perspective d’un long voyage se dessinait pleinement devant eux.

Cependant, s’ils avaient été certains d’avancer toujours à raison de trois milles à l’heure, la situation n’aurait rien eu d’inquiétant ; à ce train ils pouvaient arriver à leur destination au bout de douze jours, simple bagatelle !

Mais ils connaissaient assez la navigation de la rivière pour se méfier. Ils savaient le courant du Solimoès extrêmement lent ; ils avaient entendu parler de l’étrange phénomène du gapo, dont nous parlerons plus loin.

En quittant Coary, le projet de Trevaniow n’avait pas été d’aller jusqu’à Para de cette façon. Il devait trouver, sur son chemin des établissements civilisés, comme Bara, à l’embouchure de Rio-Negro, Obidor, Santarem au-dessus et plusieurs autres, où il croyait pouvoir se procurer des Tapuyos, et remplacer ainsi l’équipage qui l’avait abandonné.

Pour arriver à la plus proche de ces stations, il fallait cependant plusieurs jours de navigation, en faisant faire au galatea tout le chemin dont il était susceptible.

L’ex-mineur, qui n’avait pas vu son frère depuis des années, était impatient de l’embrasser. Depuis plusieurs mois déjà, il voyageait par mer et par eau pour le rejoindre, et, juste lorsqu’il croyait avoir passé le plus difficile, il se trouvait retardé par un empêchement aussi désagréable qu’imprévu.

La première nuit après son départ de Coary, il consentit à ce que le galatea fût amarré à quelques-uns des buissons qui croissent sur les bords de la rivière.

La seconde nuit, cependant, il agit avec moins de prudence. Il voulut qu’on continuât le voyage.

La nuit était claire, une pleine lune brillait visiblement au-dessus d’eux, ce qui n’est pas toujours le cas dans les cieux du Solimoès. On ne devait point mettre de voile, ni se servir davantage des pagaies. L’équipage fatigué avait besoin de sommeil et de repos. Le courant seul devait favoriser le progrès ; et, comme il paraissait faire faire au radeau environ deux milles à l’heure, cela pouvait les avoir avancés, au matin, de vingt à trente milles.

Le Mundrucu essaya de dissuader son « patron » de la résolution qu’il avait prise. Mais l’avis de l’Indien fut dédaigné, peut-être parce qu’il ne fut pas compris, et le galatea continua de glisser.

Qui pouvait prendre cette large étendue d’eau, sur laquelle la lune brillait si claire, pour autre chose que le vrai canal du Solimoès ? Ce n’était pas Tipperary Tom, qui remplissait la fonction de pilote. Les autres se livraient au sommeil : Trevaniow et les trois jeunes enfants sous le toldo, Mozey et le Mundrucu dans ce qu’ils appelaient la cale. Les oiseaux et les singes dormaient sur leurs perchoirs et dans leurs cages.

Si peu d’expérience qu’il eût dans l’art de la navigation, le pilote n’était pas inattentif à son devoir. Avant de lui confier le gouvernail, on lui avait expliqué l’importance de tenir le