Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/501

Cette page n’a pas encore été corrigée

enfants ; deux seulement restèrent pour lui donner ce doux nom.

Quinze ans après avoir quitté le Sand’s End, Richard Trevaniow, bien que n’ayant pas encore trente-cinq ans, était veuf avec deux enfants, respecté, aimé, estimé, dans une position prospère, assez riche pour retourner dans sa patrie et passer le reste de ses jours dans l’état si envié par le poète romain : otium cum dignitate.

Se rappelait-il le vœu prononcé autrefois par lui et son frère, de rentrer en Cornouailles aussitôt leurs fortunes faites, et de reprendre possession des terres de leurs ancêtres ? Oui, il avait écrit à Ralph à ce sujet et n’attendait que sa réponse. Il ne doutait point que les désirs de son frère ne fussent d’accord avec les siens et qu’il ne se joignît bientôt à lui pour retourner au pays natal.

La vie du frère aîné pendant cette période de quinze années avait été moins aventureuse et moins couronnée de succès. Il était cependant, sinon riche, du moins indépendant. Comme Richard, il s’était marié de bonne heure, mais à une femme du pays, Péruvienne de la plus grande beauté. Elle était partie aussi pour un monde meilleur, en laissant deux enfants, un garçon et une fille. Le plus jeune des deux était la fille. Elle avait douze ans, le fils touchait à sa quatorzième année.

L’épître de Richard trouva Ralph prêt à accomplir le projet des anciens jours. Ce n’était pas la première fois qu’il en était question dans les lettres que s’écrivaient les deux frères aussi souvent que les communications, peu faciles, le leur permettaient.

Richard proposait à Ralph de le rejoindre à Para ; de cette façon, au lieu de tourner le cap Horn ou de traverser l’isthme par Savanca, il descendrait la rivière Amazone, dont la traversée l’emmènerait longitudinalement à travers le continent presque sur la ligne de l’équateur.

Richard avait deux raisons pour proposer cette route ; d’abord il désirait que son frère vît la grande rivière Orellana, ensuite il voulait la faire connaître à son propre fils.

Le fils de Richard Trevaniow était alors avec son oncle aux mines de Cerro Pasca. Le jeune homme s’était rendu au Pérou l’année précédente sur l’un des navires de son père, d’abord pour voir le grand Océan, ensuite les grandes Andes, puis le pays des Incas, et enfin pour faire connaissance avec son oncle et ses deux cousins dont l’aîné avait le même âge que lui. Il était allé au Pacifique par mer. Son père désirait qu’il revint dans l’Atlantique par terre, ou pour parler correctement, par les rivières.

Les désirs du marchand devaient être satisfaits. Ils s’accordaient parfaitement avec ceux du mineur. Ralph Trevaniow avait un esprit aussi aventureux que celui de son frère, et que quatorze années passées au travail des mines dans les froides montagnes de Cerro Pasco n’avaient ni endurci, ni refroidi. La pensée de retourner dans sa patrie l’avait rajeuni. Et le jour même de la réception de la lettre de son frère, il commença à tout préparer pour l’exécution de son projet.

Un mois après, il descendait la pointe orientale des Cordillères, à dos de mule, avec sa famille et ses serviteurs, montés comme lui. En quittant ce moyen de locomotion, ils prirent le balsa, curieux radeau dont on se sert dans la descente de l’Huallaga, qu’ils échangèrent encore contre le galatea en arrivant à la grande rivière Solimoès.

Tout intéressants que seraient les détails de ces voyages dans les montagnes, nous n’avons rien à en faire, non plus qu’avec la descente de l’Huallaga et le voyage à la rivière Amazone dans cette partie de la rivière qui est appelée « Marañon. » Nous ne joindrons Ralph Trevaniow qu’à l’endroit où elle devient l’étonnant « Solimoès, » et nous resterons avec lui, tant qu’il sera errant dans la forêt.