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dont le revenu était considérable, tandis que les deux héritiers recevaient chacun pour leur part mille livres sterling environ, échappées au naufrage de la fortune patrimoniale.

Malgré la prétendue belle conduite du solicitor, quelques personnes le soupçonnèrent d’indélicatesse, et, parmi ces personnes, les jeunes Trevaniow eux-mêmes.

L’homme de loi leur avait imposé comme condition de vivre n’importe où, excepté en Cornouailles.

Ne connaissant rien aux affaires, enserrés dans les filets de la chicane, ils durent céder et abandonner une demeure où avaient dormi leurs ancêtres depuis peut-être l’établissement des Phéniciens dans le pays.

Résolus à tirer le meilleur parti possible de leur situation, les deux frères songèrent à chercher la fortune, n’importe où elle se montrerait disposée à leur sourire.

Ralph touchait à ses vingt ans. Richard était son cadet d’une couple d’années. Une bonne éducation les rendait tous les deux également propres aux travaux de l’intelligence et aux fatigues physiques. Ils pouvaient donc batailler rudement et avec succès soit dans le monde intelligent, soit dans le monde matériel, et c’est à quoi tous deux étaient bien décidés.

Pendant quelque temps ils restèrent indécis sur ce qu’ils devaient faire. L’armée et la marine les tentèrent tour à tour. Avec les protections qu’ils pouvaient obtenir par le secours des anciens amis de leur père, il leur était permis d’espérer une commission dans l’une ou l’autre de ces carrières. Mais ce parti ne souriait à aucun des deux frères, et ils s’avouèrent bientôt qu’ils préféraient des emplois moins nobles, mais plus sûrs, pour arriver à recouvrer la fortune perdue. Ils travailleraient (de leurs mains s’il le fallait) jusqu’à ce qu’ils eussent acquis les moyens de reprendre les terres de leurs ancêtres aux usurpateurs qui venaient de s’y établir. Jeunes, forts et courageux, ils ne doutaient pas d’arriver au but.

« Où irons-nous ? demanda Richard, le plus jeune des deux.

— En Amérique, répondit l’aîné.

— Dans quelle partie ?

— Dans le Sud, le Pérou, reprit Richard ; nous poumons parcourir la Sierra des Andes, du Chili à l’isthme de Panama. Comme natifs de la Cornouailles, nous adopterions la spécialité de notre pays et nous deviendrions mineurs. Les montagnes des Andes nous en fourniront l’occasion ; au lieu d’étain gris, là nous pouvons chercher l’or. Que dites-vous du sud de l’Amérique ?

— Ce pays me plaît parfaitement, mais je dois avouer, frère, que je n’ai aucune sympathie pour votre autre projet. Je préférerais être marchand plutôt que mineur.

— Que cette préférence ne vous empêche pas de choisir le Pérou. Beaucoup d’Anglais ont fait fortune dans le commerce péruvien : adoptons des occupations différentes, sans cependant nous éloigner l’un de l’autre. Nos mille livres nous donneront à chacun le moyen de commencer, vous comme marchand, moi comme mineur. Le Pérou convient également aux deux genres d’affaires. Décidez, Dick. Partons-nous pour le pays rendu célèbre par Sizacre ?

— Si vous le voulez.

— C’est convenu. »

Un mois après cette conversation, on aurait pu voir les deux Trevaniow à bord d’un vaisseau s’éloignant de Sand’s End vers le sud-ouest ; six mois après, tous deux débarquaient sur le rivage de Callao ; en route d’abord pour Lima, ensuite pour les montagnes aux blancs et stériles sommets, couronnés de neige, qui s’élèvent au-dessus des trésors du Cerro Pasco, fièrement gardés dans leur enceinte de rocs inattaquables.

Ce livre n’a point pour but l’histoire des frères Ralph et Richard Trevaniow. S’il en était ainsi, un espace de quinze années, à partir de leur arrivée à Cerro Pasco, serait à remplir ici.

Il suffira de dire que Richard, le plus jeune, bientôt fatigué de la vie de mineur, traversa avec son frère les Cordillères, et pénétra dans la grande forêt Amazone, la Montana, comme elle est appelée par les habitants espagnols des Andes. Alors, en compagnie de plusieurs marchands portugais, il descendit la rivière Amazone, en trafiquant le long de ses rives, aussi bien qu’en suivant plusieurs rivières secondaires. Finalement, il s’établit marchand à son embouchure, dans la florissante ville de Gran Para.

Richard devint bientôt le mari d’une femme aux cheveux blonds, fille d’un compatriote, qui, comme lui, avait établi des relations commerciales à Para. Au bout de peu d’années, il était père de plusieurs charmants