Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/493

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Partez, dit-il au plus proche, et vite amenez du renfort. Et vous autres, venez me dégager. Ah ! ah ! vous ne me tenez pas encore, Hick Ilolt, et vous autres, les faux Indiens, je suis encore votre maître. »

Mais les anges destructeurs étaient déconcertés de la défection de Holt, et, tenus en respect par les rifles qui pointaient au-dessus des rochers, ils ne bougèrent point.

« Ne faites pas de telles manœuvres de côté, cria le squatter ; ne détournez pas votre face de moi, ou sinon je vous envoie une balle dans le dos. Maintenant, avouez la vérité. »

Stebbins vit bien qu’il y aurait imprudence à tarder plus longtemps, et il répondit d’une voix contrainte :

« Vous n’avez point commis de meurtre, Holt ; je n’ai jamais dit cela.

— Non ; mais vous m’avez menacé de m’en accuser, et vous avez inventé des preuves pour vous rendre maître de moi. Confessez-le… vite, ou vous êtes un homme mort.

— Oui, je l’avoue, murmura le misérable.

— Assez ; vous pouvez partir ; agissez mieux envers d’autres, si votre conscience vous le permet.

— Non ! s’écria Franck Wingrove qui s’était approché peu à peu du squatter. J’ai un compte à régler avec ce coquin-là. Un homme capable de tels complots ne doit pas rester impuni ; ce serait nuire à la sécurité générale. Et vous ne le laisseriez pas aller, Hickmann Holt, si vous saviez ce qu’il voulait faire de vos filles.

— Quoi donc ? demanda le squatter avec un étonnement qui montrait son ignorance du but poursuivi par Stebbins.

— Les femmes, c’est-à-dire les servantes et les esclaves à jamais misérables de cet odieux fou qui se dit le prophète Mormon. L’être abject qui pour de l’or était capable de tout faire, ne mérite pas notre pitié. »

Un cri de fauve, qui s’échappa des lèvres du squatter, suivit ces derniers mots de Wingrove, et se mêla au bruit d’une détonation. Un nuage de fumée enveloppa Holt un instant. Puis un cheval sans cavalier se mit à tourner follement dans la vallée ; Stebbins apparut couché sur le gazon. Il était mort. Un trou pourpre à son front marquait la trace où avait pénétré la balle vengeresse.

Les anges destructeurs tirèrent une volée de coups de fusil qui n’atteignit personne, tant les Mormons étaient troublés. On y répondit du haut de la barricade des rochers, et deux de ces hommes tombèrent. Les quatre autres, jugeant la journée perdue, tournèrent bride et s’enfuirent par la ravine.

« Ô mes enfants ! s’écria le squatter en ouvrant ses bras à ses deux filles, voulez-vous, pouvez-vous me pardonner ?… et maintenant…

— Et maintenant, père, lui dit Marian, ne parlez plus jamais de pardon. Il n’y a plus rien à pardonner, et peut-être pas beaucoup à regretter, puisque les périls que nous avons traversés nous ont prouvé notre affection mutuelle. Après avoir échappé à tant de dangers, nous retournerons chez nous, heureux d’être ensemble et de revoir le Tennessee et notre chère clairière.

— Ah ! ma fille, elle ne m’appartient plus, Nous n’avons plus un toit où abriter notre pauvre famille.

— Pardonnez-moi, Hickmann Holt, dit Édouard Warfield avec émotion. Il ne dépend que de vous que la clairière soit à vous comme par le passé. Si j’ai pu être utile à votre fille Marian, je vous demande, pour toute récompense, de vouloir bien vous établir de nouveau dans votre habitation, comme si elle n’avait jamais cessé d’être vôtre. Quand vous me connaîtrez mieux, vous me direz si vous me trouvez digne de l’habiter avec vous et de n’y pas être à titre d’ami seulement et encore moins d’étranger…

— Lilian a rougi, dit le squatter en tendant la main au capitaine. Je vois bien que vous avez gagné son cœur. Est-ce que je me tromperais ? ajouta-t-il tout à coup en s’apercevant que Lilian le tirait par le bras pour lui reprocher d’avoir révélé un sentiment qu’elle croyait si bien caché. Est-ce que je me tromperais, capitaine ? Serait-ce de Marian que vous me parlez ?

— J’aime Marian comme une sœur, dit Édouard Warfield en tendant la main à la chasseresse, c’est vous dire que, même pour l’amour d’elle, je ne voudrais pas me faire le rival, l’ennemi de mon cher Franck Wingrove.

— Allons ! Wingrove, dit le squatter, j’ai eu des torts envers toi. Pardonne à ton vieil ami, et partons vite d’ici pour nous en aller au Mud-Creek former une seule famille. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le voyage se poursuivit sans obstacles jusqu’au campement des Utahs. Wa-ka-ra, tou-