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moi le chemin ! Le colonel Saint-Aure m’a dit que je pouvais avoir confiance en vous, et vous voyez que je le crois sur parole. Le soir de notre départ, il m’assurait encore qu’avec vous seul il se hasarderait volontiers au milieu de cent mille Sioux ou Pieds-Noirs, au choix. »

La brune physionomie du Pawnee était radieuse de plaisir en écoutant cet éloge. Il étendit aussitôt sa main en criant :

« Hough !… Hough !… Serrez main, lieutenant ! Serrez main ! »

Le jeune homme étreignit cordialement la main qui lui était présentée.

« Je ne doute pas, dit-il, que vous ne me rameniez sain et sauf au fort. Il est probable qu’à notre retour nous trouverons M. Van Dyck parti. Mais parlez-moi franchement, Flèche-Rouge : hésiteriez-vous à venir avec moi jusque dans le camp des Sioux, si c’était nécessaire ? »

Le guide se mit à rire.

« Sioux, idiots, lieutenant ! fit-il, avec de grands éclats de voix. Flèche-Rouge aller dans leur hutte sacrée si ordre donné à lui ! » Ils avaient complètement perdu de vue le détachement et se trouvaient maintenant au fond d’une dépression de terrain, où la piste, qu’ils avaient suivie devenait fort apparente en raison de la nature spéciale du sol. Il était évident que plusieurs familles indiennes avaient récemment passé par là avec leur bagage. Tout novice qu’était encore Frank Armstrong, il fut frappé du caractère particulier des traces laissées dans la poussière par les longues perches de tentes, mises en travers d’un bât sur les très petits poneys des Peaux-Rouges.

« Ce n’est plus ici la piste dont vous nous parliez tout à l’heure, » dit-il à son guide,

Le Pawnee fit signe que non, et que celle-là était sur le trajet suivi maintenant par un de ses camarades.

Armstrong se dirigea aussitôt de ce côté, et reconnut bientôt les traces de sabots ferrés de deux forts chevaux, mêlées à celles de deux mulets.

« Qui peut bien avoir laissé ces marques ici ? » demanda-t-il au second guide.

Celui-là était un Indien Apache. Il secoua la tête et dit, dans son dialecte espagnol :

« No sé, senor.

— Et vous, Flèche-Rouge, qu’en pensez-vous ? reprit le jeune officier.

— Peut-être bientôt savoir, lieutenant, » répondit celui-ci d’un ton sentencieux.

Sans plus de délibération, les trois cavaliers se remirent en marche, en suivant désormais la nouvelle piste.

Ils ne tardèrent pas à rejoindre le troisième guide indien, qui s’était arrêté pour les attendre, et qui entra aussitôt avec Flèche-Rouge dans une conversation des plus animées, en langue pawnee. Tout en parlant, il désignait du doigt un point de l’horizon.

Enfin, Flèche-Rouge se prononça :

« Hommes blancs, dit-il à Frank. Hommes blancs campés là-bas. Eau, bois, feu, toutes choses ! »

Lui aussi montrait du doigt la ligne boisée.

« Hough !… Fumée !… » reprit-il tout à coup.

En dépit de sa lorgnette, le sous-lieutenant eut d’abord quelque peine à apercevoir ce qui n’avait pu échapper à l’œil exercé du Peau-Rouge ; mais, à force de la promener sur le ciel, il finit pourtant par distinguer un mince filet blanchâtre qui s’élevait en tremblottant au-dessus des arbres.

« Vous croyez que c’est un feu d’hommes blancs ? » demanda-t-il.

Le Pawnee fit signe qu’il n’y avait pas le moindre doute à cet égard.

« Eh bien, nous allons nous diriger droit sur eux ! fit le jeune officier d’un ton résolu. Si ce sont d’honnêtes gens, ils n’ont pas à nous craindre. Si ce sont des coquins, à en juger par leurs traces, nous serons en nombre égal à eux, et ils trouveront à qui parler. En avant ! »

Ce disant, il piqua des doux et repartit au galop, suivi, cette fois, des trois éclaireurs indigènes.