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CHAPITRE XXII
Le refuge de la ravine. — Le secret de Holt. — Justice faite. — L’heureux retour. — La colonie de Mud-Creek.


La nuit était obscure, mais les fugitifs n’eurent pas de peine à trouver leur chemin, car Archilète tenait la tête de leur troupe. Ils ne doutaient pas d’être poursuivis ; mais leurs chevaux étaient aussi bons que ceux des Mormons, et ils se flattaient de garder l’avance et de leur échapper.

Stebbins devait d’autant plus être ardent à courir sur les traces de Lilian, que la présence de Wolf dans le campement avait dû lui faire soupçonner celle de Marian. Reprendre les deux jeunes filles à la fois était un espoir trop tentant pour qu’il n’usât pas de toutes les ressources en son pouvoir, afin d’atteindre ce résultat.

Holt, pour d’autres motifs, devait seconder les vues de Stebbins avec une égale ardeur. S’il n’avait pas lu, chose possible dans le désarroi d’une surprise, la lettre signée par ses deux filles, il pouvait croire Lilian enlevée par les Indiens, et sacrifier même sa vie au devoir d’arracher son unique enfant à ces êtres sauvages.

Les fugitifs ne se faisaient donc nulle illusion sur l’impunité de leur entreprise ; cependant ils parcoururent vingt milles au galop sans avoir le moindre sujet de crainte, c’est-à-dire sans entendre derrière eux le moindre bruit. Mais dès qu’ils entrèrent dans la passe Robideau, les chevaux commencèrent à montrer des signes de fatigue. Celui de Sure-Shot, qui était le plug faible, s’abattit deux fois en un quart d’heure. On dut s’arrêter pour délibérer.

« Continuer d’avancer, c’est nous exposer à être atteints, dit Archilète, puisque le cheval de Sure-Shot retardera les autres si on veut suivre son allure. D’ailleurs, il n’est pas le seul qui soit rendu de lassitude. Celui de Franck Wingrove ne vaut guère mieux. Attendre ici et nous battre contre les Mormons n’est guère meilleur. Ce ne sont pas des Indiens armés de flèches que nous aurions en face de nous, mais des hommes blancs habiles à manier un rifle, et qui viendront en assez grand nombre pour nous écraser. Or, nous avons deux femmes à défendre, ce qui nous affaiblit encore. Nous cacher dans la gorge serait faisable ; mais ce serait une très petite chance de sécurité ; le moindre hasard nous ferait découvrir.

— Alors, que faire ? que faire ? que faire ? »

Cette même exclamation partit en même

temps des lèvres des trois autres hommes.

« J’ai trouvé ! s’écria tout à coup le Mexicain. Dans mes expéditions de trappeur, j’ai découvert une petite ravine qui conduit en dehors de la passe Robideau. C’est une simple coupure dans le rocher, juste de quoi laisser passer un cheval ; elle conduit à un vallon intérieur, un cul-de-sac de verdure tout encaissé dans la montagne. C’est une excellente cachette où l’on ne s’avisera pas de venir nous chercher, et nous nous y arrêterons le temps nécessaire à faire reposer nos chevaux.

— Mais si ce vallon est un cul-de-sac, comme vous l’appelez, nous pouvons y être traqués, lui dit Édouard Warfield.

— Carambo ! repartit le Mexicain, c’est une piste trop subtile pour des Mormons qui ne seraient pas capables de suivre un buffle à la trace par un temps de neige.

— Un d’eux le pourrait à coup sûr ; c’est Holt, qui est excellent chasseur, répondit Franck Wingrove.

— Bah ! dit Archilète, le terrain est favorable. Le fond du petit canon est tout roc ; le sabot ne peut marquer dessus. Le plus habile