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— Sœur, dit Lilian, j’ai reçu votre billet. Vous voulez donc que j’abandonne mon pauvre père ?

— Lilly, je ne puis tout vous expliquer ce soir ; mais croyez que vous courez un grand danger en restant ici. Sûrement notre père viendra nous retrouver, et il se réjouira, il nous félicitera de notre courage à fuir ce méchant Stebbins qui l’abuse. Voyons, Lilly, voulez-vous exposer la vie des braves gens qui se sont voués à votre salut ? Voulez-vous me désespérer et me perdre moi-même ?

— Je viens, je viens, sœur, » dit Lilian, qui descendit du wagon par l’ouverture intérieure et se glissa sous les roues pour venir se jeter ensuite dans les bras de Marian.

« Oh ! si je pouvais revoir encore une fois mon père ! dit Lilian, après la première expansion de joie.

— Venez, dit Franck Wingrove, qui s’était rapproché ; cachez-vous derrière nous. Holt est encore là ; vous pourrez le regarder un instant. »

Ce ne fut pas un moment d’attendrissement, mais d’épouvante, que cette contemplation muette accordée aux désirs de la jeune tille. Quand ils le regardèrent, Holt s’était levé en donnant des signes du plus grand étonnement. Le chien Wolf sautait contre ses jambes en poussant des grognements de joie, car s’il était bien déguisé au physique, l’animal n’avait pas compris qu’on lui demandait la duplicité morale, et il fêtait son vieux maître qu’il avait senti et reconnu, en vaguant dans le corral.

Franck Wingrove et Marian restèrent stupéfaits, et, après un premier mouvement pour s’enfuir et emporter Lilian qui défaillait, ils résolurent d’attendre la fin de la scène pour ne point partir avant de savoir si on les poursuivrait immédiatement.

« Damnation si ce n’est pas mon vieux Wolf ! s’écria le squatter. Et pourtant, Stebbins, vous m’aviez dit qu’il était mort. »

Stebbins était devenu blanc comme un linge, car la présence de cet animal lui avait donné des craintes d’une nature toute différente des sentiments que manifestait le squatter.

« C’est très singulier, dit-il. Les hommes de notre caravane du printemps m’avaient assuré qu’il avait été tué par les loups dans les prairies. Oui, c’est bien Wolf, quoi qu’il ait été défiguré.

— D’où est-il venu ? qui l’a amené ici ?

— Je ne sais ; les Indiens, sans doute, qui l’ont si étrangement peint ; peut-être ceux que Wa-ka-ra nous a donnés pour guides. Je vais m’en assurer tout de suite.

— Eh ! qu’importe ? Il sera temps de les questionner demain, dit Holt. L’important, c’est que Wolf soit là. Cela me réjouit le cœur de revoir ce brave animal. Je vais le conduire à Lilian.

— Moi, je vais voir ces Indiens. Il y a quelque chose de louche là-dessous, » répondit Stebbins, qui appela d’une voix retentissante ses gardes du corps, ses âmes damnées, les anges destructeurs.

Il n’y avait pas un moment à perdre. Franck Wingrove prit Lilian dans ses bras, et l’emporta en courant jusqu’à l’endroit où les attendaient leurs compagnons. Laissant en arrière les tentes, les mules et leurs bagages, ils confièrent Lilian à Édouard Warfield, dont le cheval était le meilleur de tous, et ils partirent au grand galop, non sans avoir le temps d’entendre qu’il se faisait beaucoup de bruit et de mouvement au camp mormon.