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chasseur, répondit le Mexicain. Elle chasse aussi et tue bighorns, daims et buffles. Oui, carambo ! elle grande cazadora (chasseresse, en espagnol).

— Au diable votre Kezedora, reprit l’ange destructeur. Je ne sais ce que cela peut être, mais je suis sûr que cette squaw serait très jolie si elle se passait un peu d’eau et de savon sur la figure. »

Stebbins lui-même regardait Marian avec, toutes les marques d’une grossière admiration ; mais il ne paraissait point la reconnaître, et la jeune fille s’empressa d’échapper à ce dangereux examen en rentrant dans sa tente dès qu’elle eut été dressée parles soins de Wingrove et d’Édouard Warfield.

Le capitaine pouvait observer maintenant les Mormons chez eux, car pas un de ceux-ci ne soupçonnait que ces faux Indiens comprissent leur langage. Ils appartenaient pour la plupart à la plus humble classe des émigrants. C’étaient des hommes de métiers, cordonniers, menuisiers, forgerons, tisserands. C’était évidemment là le commun du troupeau. Ils devaient être poussés à s’expatrier par l’appât d’une vie plus facile, ou par le désir d’échapper aux suites de quelque infraction légale.

Cependant il y avait quelques élégants dans cette foule assez vulgaire. La longueur de la halte avait permis aux plus riches Mormons de quitter leurs costumes de voyage pour exhiber des habits de drap fin, des chapeaux de soie, des bottes vernies et le luxe d’un linge bien empesé.

Les femmes étaient de tous les âges et de toutes les nationalités. C’était pour la plupart le rebut de la civilisation de l’ancien continent, et ne s’étonnant pas que Lilian eût dédaigné de se mêler à leurs groupes, le capitaine tint ses yeux fixés sur l’avenue du corral, espérant que la jeune fille en sortirait toute seule, pour venir voir, fût-ce de loin, les guerriers utahs.

Après avoir attendu vainement plus d’une demi-heure, Édouard Warfield fut saisi d’un doute poignant. Était-il certain que Holt et sa fille fussent avec la caravane ? N’avaient-ils pas pu s’en séparer et se joindre aux chercheurs d’or ? Peut-être était-ce vainement que les quatre amis avaient pris la peine de se déguiser et de courir de si terribles risques.

Toutes ces idées se croisaient dans l’esprit d’Édouard Warfield et le remplissaient de trouble, quand tout à coup, au milieu de la foule qui se pressait encore autour des tentes, il aperçut un homme dont la stature dépassait celle des Mormons les plus grands… C’était le squatter, c’était Holt lui-même. L’expression seule de sa figure avait changé et portait l’empreinte de cruels soucis ; ses rudes cheveux gris étaient devenus tout à fait blancs, et des rides creusaient un sillon amer de chaque côté de sa bouche. Il ne fit que jeter un regard indifférent sur les Indiens, puis, étouffant un profond soupir, il disparut derrière la barricade de wagons.

On pouvait agir désormais, Lilian était là.


CHAPITRE XXI
Un hasard intelligent. — Lilian avertie. — Trahis par Wolf. — La fuite.


Édouard Warfield s’empressa d’entrer dans la tente de Marian pour lui apprendre qu’il avait vu son père ; il la trouva avec Franck Wingrove, Archilète et Sure-Shot ; les deux premiers occupés à chercher par quels moyens ils pourraient pénétrer dans le camp pour chercher à voir Lilian ; le troisième approuvant de la tête chacune des combinaisons,